Une majorité de Chartrains rejette le projet de construction du « Zénith » au pôle gare.
Il a été demandé au public son avis sur le « projet d’équipement plurifonctionnel culturel et sportif à Chartres», via une procédure de participation du public par voie électronique. Cette consultation d’une durée d’un mois s’est terminée le 22 juillet dernier.
Ainsi, 315 personnes ont déposé leurs observations : 187 se sont clairement opposées au projet, alors que 117 ont écrit qu’elles étaient pour, et 11 autres n’ont pas eu d’opinion tranchée.
On peut constater que les observations des citoyens qui contestent le projet sont non seulement très bien argumentées mais aussi longuement développées en 23 294 mots, sans compter les pièces jointes. Ils font preuve de responsabilité. Les riverains se sont dits très inquiets.
Les partisans du projet, souvent complaisants, disent tout simplement « bravo » ou « super projet », certains avancent des arguments faibles et peu crédibles, avec seulement 3 745 mots pour le dire.
L’étude d’impact sur la circulation, recommandée par la Mission Régionale d’Autorité Environnementale et demandée par le Tribunal Administratif, a été jugée peu explicite, incomplète, approximative, avec surestimation du nombre d’occupants par voiture (3 plutôt que 2), minimisant ainsi leur nombre.
Bilan de la consultation nettement négatif
À la lecture des observations déposées il ressort que le projet n’est pas opportun et qu’il est trop orienté pour servir les seuls habitants du centre de Chartres au détriment des autres communes de l’agglomération. Les critiques négatives se rejoignent essentiellement sur trois points : mauvais choix du terrain d’implantation, bâtiment surdimensionné et coût excessif. On peut aussi noter que personne ne s’oppose à la construction de ce type de grande salle, sous réserves qu’elle soit bien programmée. Mais, comme le prévoient les textes, c’est la ville de Chartres qui est l’autorité compétente pour établir la synthèse des observations et délivrer le permis de construire.
Au moins cinq années de perdues
Lancé par Chartres Métropole en 2012 avec un budget de 30 millions d’euros ce complexe a fait l’objet de plusieurs demandes de permis de construire et de trois enquêtes publiques dont deux soldées par un avis défavorable pointant particulièrement les problèmes de trafic automobile. Pour échapper à une nouvelle étude d’impact, la jauge initiale supérieure à 5 000 places a été ramenée à 4 198 places sans véritables modifications volumétriques, ce qui s’est avéré vain.
C’est grâce à l’action de l’association « Épargnez-nous », qui défend la tranquillité des riverains, que le permis de construire n’est toujours pas validé par le Tribunal Administratif qui a sursis à statuer, ce qui n’a pas empêché l’Agglo, maître d’ouvrage, de passer un marché de travaux de 47 133 000 euros HT avec un groupement d’entreprises et même de lancer les ordres de service l’avant-veille du premier tour de l’élection municipale !
Un projet aberrant et démesuré
Il suffit de lire et d’analyser les observations déposées ou simplement de réfléchir un peu pour comprendre que ce projet n’a pas été maîtrisé. Il est inacceptable :
1 – Pourquoi implanter une grande salle en centre-ville sur un petit terrain difficile d’accès, où les rues convergent, et proche des habitations ? Pour être près de la gare et des bus vous diront les initiateurs. Or il n’y aura ni bus, ni car, ni train en soirée après les spectacles et, surtout, il s’avère que la majorité des spectateurs viendront en voiture et se gareront soit dans un parking payant (1 200 places qui restent à construire), soit dans les rues avoisinantes. Cet afflux de voitures en centre-ville ne peut qu’engendrer d’importantes nuisances : engorgement, embouteillages, stationnement sauvage, bruit, pollution de l’air, etc. La plupart des villes moyennes ont réalisé ce type d’équipement en dehors de leur centre, vers la périphérie.
Conclusion : il faut trouver une meilleure implantation, proche de voies de dégagement. Exemple : l’espace libre autour de Chartrexpo qui a un grand potentiel de stationnement (gratuité). Cette emprise était (malheureusement) réservée pour la réalisation d’un grand centre commercial, aujourd’hui abandonné…
2 – Pourquoi prévoir 4 198 places dont 3 810 pour les matchs de handball ? Cette jauge est certainement trop grande sans adéquation avec les réels besoins. Une étude préliminaire aurait pu le démontrer. Les seules comparaisons avec des équipements similaires démontrent cet excès : la salle du Jeu de Paume récemment construite à Blois par les mêmes architectes contient environ 3 000 places (2 500 pour le handball) et a coûté moins de 25 millions d’euros, etc.
Conclusion : une jauge d’environ 2 500 à 3 000 places pour le handball serait pertinente.
3 – Pourquoi le coût du projet est si élevé ? Les acquisitions foncières, les travaux préliminaires, l’importance du volume à construire, les contraintes du terrain, les audaces architecturales ont un coût. On est aussi en droit de se demander comment ce coût est passé de 30 à plus de 55 millions (47 millions de travaux HT + honoraires maîtrise d’œuvre + contrat de conduite d’opération (attribué directement à la SPL Chartres Aménagementf pour 1 398 822 € HT !) + frais divers), alors que pourtant la jauge a été réduite ! Outre la construction, il est certain que le coût de fonctionnement et la rentabilité d’un équipement surdimensionné ne peuvent pas être bénéficiaires.
Conclusion : cet investissement est nettement excessif et ne peut que creuser l’énorme endettement de Chartres Métropole. Il représente un réel risque financier.
Alors que faire ?
Il faut être raisonnable et admettre ses erreurs, se résoudre à revoir sereinement le projet, établir un diagnostic, un nouveau programme en concertation avec toutes les personnes concernées, trouver un site mieux adapté, réduire la capacité de la salle et donc réduire les dépenses. Il serait également honnête de soumettre ce projet pour validation aux 114 délégués communautaires dont une grande majorité ignore le contenu et les enjeux.
Dans l’attente de connaître la synthèse de la ville de Chartres qui sera rendue publique, nous lançons ici un signal d’alarme. Il n’est pas encore trop tard pour éviter les dégâts qui seront irréparables ! Il faut stopper l’emballement, savoir perdre un peu d’argent aujourd’hui pour en économiser beaucoup plus demain.
Seul le fol entêtement d’un homme peut nous mener à un nouveau fiasco, dont il se sera rendu coupable et s’il ne veut pas entendre raison, il devra alors assumer pleinement toutes les conséquences désastreuses annoncées. À bon entendeur, salut !
Patrick Chenevrel, architecte, vice-président de l’association Chartres Écologie, membre du comité de rédaction de Cactus.