A une époque où l’on perd de vue le sens de sa vie et de la vie, il est bon de se replonger dans un passé pas si lointain. Non pas pour y goûter une cuillère de nostalgie, mais plutôt pour comprendre ceux qui nous ont précédés au vingtième siècle.
Avec son dernier roman Une façon d’aimer, Dominique Barbéris pose son regard sur ce passé. Que peut-il se cacher derrière les photos dentelées et jaunis par le temps ? Quelle vie ont eu ces personnes habillées d’une drôle de façon avec leur pantalon trop large et leurs coupes de cheveux datées ?
Les histoires de famille cachent souvent de pesants mystères qu’on laisse souvent dormir en paix. Certains veulent savoir et tenter de découvrir ce qui se cache derrière des silences. C’est le cas de l’héroïne de Dominique Barbéris. Une nièce s’intéresse de près à la vie de son oncle et de sa tante, expatriés au Cameroun avant l’indépendance. A peine mariée, Madeleine quitte le giron familial à Nantes pour partir dans les colonies. Nous sommes au cœur des années cinquante. La France se redresse après la guerre tout en se heurtant aux désirs d’indépendance de ses colonies. Guy, son mari, travaille pour une compagnie qui exploite le bois. A Douala, Madeleine ne fréquente pas beaucoup les colons français.
Perdue dans la culture et les habitudes des Camerounais, Madeleine se recentre sur sa famille. Une petite Sophie vient combler le bonheur de ses parents jusqu’à la rencontre avec un dénommé Yves Prigent, fonctionnaire dont le travail exact reste obscur. A force de persuasion, le Don Juan jette son dévolu sur la discrète Madeleine. De balades dans les rues jusqu’à certains appels téléphoniques, la relation entre ces deux là commence à faire jaser dans le petit cercle des colons avides de cancans. Mais la fin tragique d’Yves Prigent dans un accident d’avion laissera cette relation sans lendemain.
Menant une enquête approfondie pour connaître le fin mot de cette histoire, la nièce de Madeleine replonge dans un lointain passé où l’on découvre la vie de toute une famille et les mœurs d’une époque. Le parfum des années cinquante embaume l’atmosphère du roman de Dominique Barbéris. La romancière ressort du néant des expressions oubliées, la condition des femmes, le rapport au mariage, les relations entre les hommes et les femmes. A travers les lignes, on comprend la difficulté d’être une jeune fille et une femme au sortir de la guerre. Qui s’en souvient aujourd’hui ?
Pascal Hébert
Une façon d’aimer, de Dominique Barbéris, éditions Gallimard. 206 pages, 19,50 €.
Photographie Francesca Mantovani.