Le 17 avril dernier, en la salle des Champs-Brizards, Etienne Rouault, maire de Champhol, a convié ses concitoyens à une réunion d'échanges avec les représentants du groupe Sully immobilier, promoteur du projet de 100 logements collectifs autorisé en lieu et place du Carmel, sis sur le territoire de Lèves. Nous vous communiquons ci-dessous le compte rendu du collectif Brizards-Longsault.
"Dès le départ, entre les responsables du promoteur immobilier et les riverains, l’ambiance était certes tendue : comment pouvait-il en être autrement ? Ils venaient promouvoir le projet immobilier que nous refusons. Nos t-shirts et banderoles le signalaient visuellement. Puisque pratiquement toutes les chaises étaient occupées (la salle en compte 80) et que de nombreux membres du public étaient debout, nous devions être au moins 80. Pour autant, jusqu’à la fin, il faut saluer le respect et l’intérêt des riverains : durant plus de 30 minutes, a été faite une présentation, sous tous ses aspects, du projet, de la part de tous les acteurs en responsabilité. Nous avons écouté. Ensuite, malgré la tension qui montait de manière évidente, aucune grossièreté, aucune insulte n’a fusé de la part du public.
Etaient notamment présents aux côtés d’Oriane Leroy Liberge, co-propriétaire de Sully Immobilier, en plus du maire, l’architecte, le paysagiste, la cheffe de projet en économie circulaire... Ajoutons aussi une directrice juridique auprès de la fédération des promoteurs immobiliers, qui n’a pas été présentée et qui était assise au premier rang du public.
Etienne Rouault a d’abord pris le micro pour dresser un historique de l’implantation du Carmel, du départ des Carmélites, etc. Il a ensuite abordé le projet immobilier rapportant une fois de plus qu’il avait émis un avis défavorable auprès de la DDT, ajoutant ensuite que le permis « a bien été étudié », que nous sommes dans « un État de droit » et que le maire ne pouvait pas refuser ce qu’il considérait comme conforme au droit et au PLU.
Oriane Leroy Liberge a ensuite pris le micro pour présenter son entreprise familiale, co-dirigée avec ses deux frères et son père, entourée de 60 collaborateurs. Elle a vanté leur politique en faveur de l’environnement avec, selon ses dires, 40 000 arbres plantés par leurs soins, leur travail de dépollution aussi, etc. Elle a ajouté, et des remous ont été alors perceptibles dans l’assistance, que ce projet Néos était « un exemple de leur pratique, le reflet de leur façon de faire ». Elle s’est aussi félicitée de leur bonne note de 4,4 sur le site « immoadvisor », équivalent de « tripadvisor ». Le projet a été ainsi baptisé car il est l’acronyme de Nord Est Ouest Sud.
Ensuite, Juliette, la cheffe de projet en économie circulaire, a expliqué tous leurs mérites en termes de conservation des matériaux, de gestion des déchets, etc. Jean-Pierre a enchaîné en évoquant l’abattage de « certains » arbres, mais en insistant sur les 33 qui seront replantés. Il a considéré ce chantier comme étant à « faible nuisance ». L’architecte a ensuite évoqué la logique actuelle, je cite, de « construire un peu partout ». Il a évoqué les places de parking qui, selon lui, ne posent pas de problème, en raison de la possibilité de garer sa voiture en sous-sol et des places disponibles en extérieur face aux terrains de tennis.
Le maire a enchaîné sur une possibilité d’extension du parking extérieur. Le paysagiste a ensuite fort bien décrit les différents types d’herbiers qui existent et seront conservés. De notre côté, nous conservons surtout de ses paroles que, selon lui, tout ce qu’il faut est
fait pour garder « les oiseaux et les papillons » sur cette parcelle. Certains, amusés, et couvrant les rires qui éclataient, ont alors demandé si les chevreuils que les enfants viennent admirer allaient eux aussi demeurer...
Oriane Leroy Liberge a conclu en affirmant péremptoirement que ce projet était important pour eux et pour nous (dixit: « Ce projet, il est important pour vous et pour nous »). Elle a assuré que tout serait géré dans un cadre familial, celui de sa famille. Les riverains présents commençaient à vouloir poser des questions mais elle a rappelé alors professoralement que nous devions conserver « une bonne qualité d’écoute », ce que chacune et chacun n’avait pourtant pas cessé de faire jusqu’à ce moment-là. Elle a ensuite détaillé tous les avantages pour eux et nous de ce projet.
Même si l’article de l’Écho en rend très bien compte, dans un souci d’impartialité autant que de rigueur, les voici rappelés :
➢ Action en faveur des sœurs qui trouvent une ressource dans ce projet,
➢ La dépollution du site (amiante),
➢ La sécurisation du chantier,
➢ La labellisation du chantier,
➢ La réduction de la liste d’attente des demandeurs de logements sociaux (à ce moment-là, est intervenu le bailleur social, 3F, qui sera en charge des 25 logements dédiés au volet social),
➢ La proposition de logements pour les seniors, dont le site a été présenté comme particulièrement adapté car entouré de verdure (mais nous nous demandons comment l’accès à cette verdure leur sera permis ?),
➢ La création d’emplois,
➢ L’entretien de la diversité de l’écosystème,
➢ la pérennisation du bois dans la sphère familiale avec une association qui transformera les arbres en objets, instruments de musique...
Est venu alors le temps des questions, pas celui des échanges, car :
1. Le micro n’était pas donné aux riverains, seuls l’avaient le maire et les responsables.
2. Étaient uniquement autorisées des questions mais il ne fallait pas rebondir sur les réponses du promoteur ou du maire.
3. En conséquence, chaque émission d’opinion, en réponse à ce qui nous était dit, était déconsidérée et réprimée.
La parole a d’abord été réclamée par Patrick Chenevrel, architecte, qui s’exprime au nom de l’ADEAC. Elle lui a été dans un premier temps refusée par Etienne Rouault qui a estimé qu’il n’était pas champholois, qu’il n’était pas chez lui. L’assistance a soutenu Patrick, qui a su très
calmement justifier sa prise de parole en avançant qu’il était président de l’Association de Défense de l’Environnement de l’Agglomération Chartraine et, qu’à ce titre, il était ici, à Champhol, dans l’agglomération, et avait donc le droit à la parole.
Il a ainsi pu dérouler ses arguments critiquant, non pas les bâtiments en tant que tels ou l’aspect architectural mais la démesure, la disproportion de ces « volumes », leur « densité », au regard de ce quartier, de la sécurité de ses rues et de l’aspect rural environnant. Il a aussi souligné l’empreinte écologique. Sans agressivité aucune, parfaitement dans son rôle, il a ainsi été un premier marqueur de notre contestation.
Une question a été posée sur les camions, le nombre de voitures. Le maire a rétorqué qu’il était de sa responsabilité que la vitesse soit respectée. Des commentaires ont alors jailli, sans autorisation de la part de Monsieur le Maire, demandant par exemple s’il disposerait des radars automatiques, si la police serait présente même la nuit... La tension montait au fur et à mesure qu’Etienne Rouault démontait chacun des arguments avancés.
Un des principaux riverains concerné a alors posé une question sur les places de parking, notamment des logements sociaux. Les crispations ont alors augmenté encore d’un cran quand il a avancé que lors des premières présentation, le projet n’était pas exactement celui qui était aujourd’hui expliqué, le projet définitif, et que les plans avaient été modifiés. Oriane Leroy Liberge a rétorqué qu’il avait été associé aux discussions, qu’il disposait de leurs coordonnées et que « ses équipes ne mentaient pas mais que les données avaient juste évolué »...
Alan Meule devait alors prendre la parole, pour l’Adeac, mais celle-ci a été donnée à Mme Gouin, professionnelle de l’immobilier. Soulignons que ce n’est pas le maire qui lui a alors donné la parole, mais un membre de l’assistance, qui savait que Mme Gouin avait une donnée importante à souligner et qu’elle avait ensuite un impératif qui allait nécessiter son départ. Celle-ci a alors expliqué que les estimations auxquelles elle avait procédé indiquaient une baisse de valeur conséquente des maisons.
Oriane Leroy Liberge a demandé ses critères à Mme Gouin, remettant en cause leur scientificité et avançant que dans bon nombre de cas, les maisons avoisinant un tel projet, au contraire, se voyaient valoriser. Provoquant son mécontentement et celui du maire, il a été demandé, de la même manière et, en retour, à Mme Leroy Liberge, de nous fournir ses propres critères d’estimation des maisons.
Le maire, la voyant en difficulté, a souhaité conclure en avançant qu’il pensait, quant à lui, que les maisons ne perdraient peut-être de la valeur que durant les travaux mais pas après. Mme Gouin est restée calme et sûre d’elle, malgré la remise en cause de ses dires par deux personnes au statut important, tenant le micro, tandis qu’elle ne s’appuyait que sur ses propres ressources vocales.
Il a alors été demandé au maire, par la même personne du collectif, s’il remettait alors en cause le professionnalisme de Mme Gouin, dont l’estimation des biens immobiliers fait partie du métier, et que son opinion subjective, fût-elle celle du maire, n’avait valeur que de sentiment personnel, sans critères objectifs.
Oriane Leroy Liberge a voulu alors évoquer la question capitale de l’artificialisation des sols. La comptabilisation du temps de parole est difficile, mais nous avons pu constater un net déséquilibre en défaveur du collectif dont les membres voulaient absolument s’exprimer : le micro a été monopolisé pendant environ 45 minutes par le maire et le promoteur tandis que les membres de l’assistance n’avaient bénéficié jusqu’alors que d’une dizaine de minutes tout au plus.
Quand Oriane Leroy Liberge a avancé que la ville devait rester la ville et la campagne devait rester la campagne, l’occasion était donc idéale de la questionner sur la loi « Climat et résilience », qu’elle évoquait alors sans la nommer, et sur sa propre conception de la ruralité et de l’urbanisme, de la ville et de la campagne. Mais elle s’est indignée de cette question et le maire, hors de lui, a donné à l’intervenant l’ordre de se taire. Regrettant alors la disproportion du temps de parole qui devenait caricaturale, et la confiscation du micro, l’intervenant en question a refusé de se taire. Le maire a menacé d’interrompre la réunion en hurlant dans la salle pour réclamer le silence et l’ordre.
Dans un premier temps hué, il a très vite été écouté et le calme s’est progressivement rétabli. Mais il a malgré tout signalé autoritairement la fin de la réunion et a appelé dans le même temps la police municipale. Il a ordonné l’évacuation de la salle et a accompagné du geste cette demande, poussant plusieurs personnes d’une main sur l’épaule ou dans le dos, qualifiant notre attitude d’anarchiste.
Quittant celle-ci, Oriane Leroy Liberge a avancé qu’elle accepterait une rencontre mais seulement avec un petit comité."