Mon conseil municipal du 11 mai 2023. Nous avions collectivement imaginé de vivre une séance assez calme, au vu de l’ordre du jour, pour reprendre notre souffle et contribuer à faire redescendre la tension, voire la violence verbale, subie désormais de plus en plus fortement en conseil municipal. À ce titre, nous avions collectivement renoncé à évoquer :

  • Les 500 000 euros d’indemnités que la commune a été récemment condamnée à verser à un promoteur commercial par décision du Tribunal Administratif,
  • la non moins récente garde-à-vue du maire débouchant sur sa mise en examen,
  • ses propos relayés dans l’Écho du matin : « mieux vaut passer une journée avec ChatGPT plutôt qu’un mois qu’avec un instituteur ».

Mais Jacqueline Marre a commencé par demander la parole sur ce dernier sujet au propos duquel nous avions partagé notre communauté d’opinion en journée : sa belle et pertinente intervention a ouvert le champ au rouleau compresseur gorgien qui verront l’absurdité, la mauvaise foi et les attaques personnelles se déchaîner jusqu’à 21h40, début de l’ordre du jour…

JPG et ChatGPT :

« C’est terrible, Mme Marre, mais vous commencez mal. »

« J’ai voulu mettre ChatGPT au cœur du débat ; d’ailleurs aucun maire n’écrit ses discours. »

« Je prétends que ChatGPT va révolutionner l’enseignement. (…) l’école doit se contenter d’apprendre aux enfants à lire, écrire et compter, le reste de la connaissance doit être accessible grâce à l’intelligence artificielle. »

« Je n’ai pas été enseignant, mais j’ai donné des cours à assez haut niveau, alors je m’y connais un peu… »

« ChatGPT, c’est place à l’intelligence. (…) l’Intelligence Artificielle va nous libérer et accélérer la croissance. »

M. Lizurey reprend et justifie le discours artificiel du maire : « pour faire émerger le débat, il faut être disruptif », puis il s’attaque à son plat de résistance : votre serviteur. En effet, à mon retour de Saint-Soline, il avait malheureusement été absent au conseil municipal qui a suivi. En position d’accusé, j’ai eu droit à 20 minutes de réquisitoire de cet avocat général improvisé. Rien de neuf sous le soleil : je dois rendre compte de tous les propos de J-L Mélenchon (mon gourou, mon maître, mon modèle, etc.), les « blacks-blocs » sont mes amis, ma pensée est unique, ma vision manichéenne, la fumée des pneus brûlés lors des manifs anti-autoroutes émet du bon CO² de gauche, le CO² émis par le charbon extrait en Allemagne est du bon CO² écolo (il oublie que ces mines à ciel ouvert font également l’objet de manifestations illégales…). Bref, j’illustrerais parfaitement la dissonance cognitive que j’évoque moi-même quand je dénonce l’inaction climatique du gouvernement. La sinistre mémoire des Khmers rouges est même encore évoquée au sujet de notre projet politique éco-terroriste.

Je dois me battre auprès du maire pour obtenir un droit de réponse : « Vous vous êtes déjà exprimé lors de la dernière séance ! ». Je suis alors très bref : je propose à M. Lizurey de prendre enfin RDV avec J-L Mélenchon dont je ne suis pas comptable des propos : « Ni dieu, ni maître ! », je lui suggère de lire vraiment Andréas Malm (« comment saboter un pipe-line ») et Thierry Paquot, docteur en philosophie, qui a qualifié de terrorisme gouvernemental l’action menée par Darmanin à Sainte-Soline.

Comme il n’y a pas de petit plaisir, Guillaume Bonnet décide aussi de s’y mettre ensuite et me demande de le regarder dans les yeux avant de me dire que je suis un menteur au sujet de l’article que j’ai signé concernant le décalage de la clôture du marché du centre-ville. Cette décision aurait été élaborée avec les représentants des commerçants non sédentaires, voire à leur demande selon lui, pour des raisons de sécurité des piétons dans le centre-ville : les intéressés (qui m’ont sûrement menti aussi, donc) apprécieront…Evidemment, je suis accusé de semer la zizanie parmi les commerçants résidant en périphérie du marché qui se sont sentis accusés par l’article suscité.

J-P Gorges reprend alors la main pour me qualifier de triple-menteur en évoquant un autre article relatif à la demande de réouverture de la partie haute des jardins de l’évêché, étayé par le rapport du BRGM dont le maire nie l’existence, pourtant prouvée ensuite par Q. Guillemain… Je commettrais alors le crime d’inviter le public (qui ferait confiance en ma qualité d’architecte) à enfreindre l’interdiction de pénétrer sur le site, au risque d’avoir leur mort sur ma conscience.

Mais ce n’est pas terminé. Je comprends que la lecture de Cactus occupe bien les élus de la majorité et nourrit désormais un ordre du jour occulte : je suis donc attaqué au sujet de l’article que j’ai rédigé concernant les difficultés d’accès à certains quais de la gare de Chartres. Evoquant mes « grosses sacoches » (dont il se demande si leur taille ne contrevient pas au code de la route…), le maire me conseille d’aller prendre le train à Saint-Prest, voire à Courville puisque j’aime faire du vélo et que mon cas relève des demandes exceptionnelles auquel le projet pôle-gare n’a pas pu répondre :

  • Un professeur de plongée qui voulait que les escaliers soient adaptés aux palmes qui ne quittent jamais ses pieds,
  • un gardien de moutons travaillant à la Bergerie Nationale qui souhaitait accéder aux quais perché sur ses échasses.

Si ces fables n’étaient pas prononcées par le maire, nous pourrions en rire… mais « le triple menteur qui ne dit que des conneries », c’est bien moi à ses yeux.

Après presque une heure de ce délire, J-P Gorges siffle la fin de la curée : « on a perdu assez de temps avec M. Bridet, il faut aussi qu’on s’occupe de M. Guillemain ! » (rires dans les rangs de la majorité)

Mais c’est plutôt Olivier Maupu, regrettant le nouveau projet de bétonisation d’espace végétal de près d’un hectare aux confins de la Madeleine et des Hauts-de-Chartres, qui prend ensuite ma place sur le banc des accusés (de mensonge, d’incompétence, d’écoterrorisme, de fascisme, etc.). Il pointe en effet l’écart entre le discours public d’un quartier qui va devenir plus vert, plus ouvert et agréable à vivre et la réalité faite de suppression des espaces libres et végétaux offerts aux riverains au profit d’opérations immobilières contenant des logements où ils ne pourront pas être logés. Olivier précise que, même dans cette ville, 46% des emplois sont occupés par des ouvrier.es et des employé.es dont il faut se préoccuper d’un logement accessible. Cette prise de position légitime, cette opinion étayée et calmement exposée se voit sans débat balayée par la série d’invectives habituelles :

  • Vous ne connaissez pas cette ville (…) ces quartiers ont été faits n’importe comment par vos amis,
  • vous voulez forcer les gens à habiter dans la ville où ils travaillent : mais c’est aberrant !
  • ici c’est du sérieux : laissez-nous travailler et retournez bricoler dans les villages du nord du département (Olivier Maupu, urbaniste, pilote la réalisation de PLU de villes et territoires parfois plus importants que Chartres Métropole partout en France),
  • Vos compétences professionnelles sont douteuses, on nous l’a rapporté dans le département.

Frank Masselus va alors jusqu’à le menacer de rechercher le conflit d’intérêt qu’Olivier Maupu aurait à travailler pour une commune de Chartres Métropole !!!

Ayant décidément des difficultés à repérer les demandes de paroles de J. Marre, le maire indique qu’il a du mal à la distinguer car elle est vêtue de vert, il la qualifiera un peu plus tard comme « la tâche verte, là-bas… »). Elle rappelle ses critiques vis-à-vis de l’animation Chartres en Lumière, ce qui nous vaut cette énième développement (on nous promet toujours des données chiffrées à ce sujet) sur les vertus écologiques de l’évènement : « pendant les deux heures où ils déambulent dans nos rues, les visiteurs ne font pas tourner leur micro-ondes, n’allument pas leur télé et ne font pas rouler leur voiture : il y a donc beaucoup plus d’énergie économisée que d’électricité consommée par les projections ». Je prononce alors hors micro : « SOPHISME », il me répond alors « C’EST TOI SOPHISME » (il me semble que la phrase était « Sophisme toi-même »): la cour de l’école maternelle n’est pas loin ! Nous apprenons pour conclure ce nouvel épisode de génie pur : « Chartres en Lumière est un produit marketing dont la ville ne peut plus se passer ».

Une série de délibérations « techniques » nous permet de reprendre notre souffle en prévision de la dernière relative à la labélisation « arbre remarquable » d’un ginko-biloba du jardin de l’horticulture. À cette occasion, Quentin propose un amendement visant à faire signer à la ville la « Charte de l’arbre en ville » promue par l’association A.R.B.R.E.S s’occupant du label précité. Finalement rejeté par la majorité et le groupe « En Marche » confirmant encore son ralliement naturel au pouvoir gorgien, il a révélé le climato-négationnisme persistant du maire :

  • Les activités humaines n’ont pas la moindre responsabilité dans le dérèglement climatique, cette fable n’a pour seul but que d’abattre le capitalisme,
  • l’arbre en ville c’est d’abord un ornement, et c’est vrai que c’est intéressant pour l’ombre, mais c’est embêtant : elle suit le mouvement du soleil et bouge tout le temps !
  • vous vous intéressez aux droits de l’arbre, nous, nous préférons les droits de l’homme,
  • j’ai une maison en Ardèche (ah bon ???), ce département est envahi par les arbres.

Je quitte la salle à 23h20 avec Brigitte Cottereau, tous deux épuisés et excédés : les attaques verbales s’intensifient contre Q. Guillemain, accusé par F. Masselus de conflit d’intérêt pour ses demandes de soutien au peuple ukrainien. Lorsque nous le retrouvons place des Halles dix minutes plus tard à l’issue du conseil, il nous confie que des menaces physiques ont été portées à son encontre, hors micro, par J-P Gorges : intelligence artificielle mais bêtise naturelle.

Jean-François Bridet, conseiller municipal Chartres Écologie