Samedi 8 octobre à midi, je découvre, place des Epars, le « Village du développement durable » (alors qu’il suffirait durablement de ne plus nous développer…). J’ai la joie de tomber sur Florent Gauthier, maire de Lucé, parrain de l’évènement au titre de sa vice-présidence d’agglomération à l’Environnement.

Après avoir reçu ses excuses de n’avoir pas été invité au titre de mes propres délégations régionales (la Région subventionne près de la moitié des exposants du jour - « Ah, mais que font les services du Protocole ?... »), je profite que nous soyons postés devant le stand Lig’Air (association chargée de la surveillance de la qualité de l’air en Centre-Val-de-Loire) pour lui demander perfidement s’il veut signer le courrier d’élus locaux que j’ai initié pour convaincre Clément Beaune, ministre des Transports, d’abandonner le projet d’autoroute A154-A120.

Le maire de Lucé argumente alors son soutien sans faille à ce projet écocide. Il  m’explique qu’il améliorera la qualité de l’air des Lucéens, et qu’il est très soucieux de la santé de ses enfants d’abord. Le projet d’autoroute réduirait, selon lui, le trafic dans sa commune et sur la rocade. Il peste contre la densification immobilière luisantaise (coucou, M. Massot !) qui induit la dégradation de la circulation automobile sur le flanc ouest de l'agglomération, donc à Lucé.

La construction d’une autoroute ne sera jamais une réponse globale et satisfaisante contre les pollutions atmosphériques. Un maire responsable se doit de porter le regard au-delà de ses limites communales, surtout quand il porte la politique environnementale de Chartres Métropole. Mais le dérèglement climatique qui rend déjà certaines région du Sahel inhabitables ne le préoccupe pas plus que les pollutions que subiront les élèves du collège Soutine à quelques courtes encablures du projet de tronçon autoroutier. Comment rester crédible encore pour piloter le Projet Alimentaire de Territoire quand on appelle de ses vœux l’artificialisation de 660 hectares de terrains agricoles où travaillent pourtant des producteurs en circuit court ?

Le lendemain, à la fête des Jardins de Barjouville, je croise le député Guillaume Kasbarian, au cœur de sa circonscription. Je lui demande sa réponse à ma sollicitation de signature du courrier anti-autoroute que je lui ai adressé dix jours plus tôt. En effet, lors de la campagne législative de 2022, il avait rappelé son opposition initiale au projet, avant de se rallier par discipline partisane à la décision gouvernementale de validation du projet, tout en restant très vigilant quant aux meilleurs conditions environnementales de sa réalisation (ne riez pas...). La possibilité d’un abandon évoquée par le ministre Beaune aurait été pour lui une occasion rêvée de tenter de convaincre ce compagnon politique. Il me promet alors une réponse dans la soirée. Je l’attends toujours !!! Bah, nous le savons très occupé à savourer la réussite de sa loi anti-mal-logés et à promouvoir l’avenir industriel et nucléaire de la France.

Ces épisodes me rappellent la réunion de début de mandat régional avec Mme Minard, mon homologue départementale à la Biodiversité. Après une heure consensuelle à parler création de mares, plantation de haies, éco-délégués, espaces naturels sensibles et inventaires de biodiversité, j’avais conclu l’échange par ces mots : « Christelle, j’ai une idée à te soumettre, beaucoup moins fatigante et moins coûteuse que tout cela pour préserver notre patrimoine vivant : que le Département retire son soutien au projet d’autoroute ». Après un blanc un peu gênant, elle avait repris la rengaine apprise en cœur : « Notre territoire en a besoin pour son développement ».

A tous ces tartuffes, je dis : prenez des vacances, grattez des tickets du Loto de la biodiversité, si vous voulez, mais laissez les défenseurs du vivant, de l’avenir et de nos enfants prendre la barre avant qu’il ne soit trop tard, pour la dernière chance avant le mur climatique.

Jean-François Bridet