Monsieur le président du Conseil Départemental,

A la lecture de votre interview dans l’Echo Républicain du 7 juillet, il nous semble indispensable de vous rappeler que le projet A154-A120 pose de nombreux problèmes, depuis sa conception jusqu’aux décisions qui ont été prises, et qu’il est largement contesté par une grande partie des Euréliens : principe de mise en concession, choix de contournement des agglomérations.

Les associations de défense de l’environnement et les citoyens n’ont eu de cesse de les dénoncer depuis des années, avec constance et en pleine connaissance du dossier.  

Vous qui connaissez bien l’agglomération de Dreux, vous devez vous rappeler que les tergiversations des maires de Saint-Rémy-sur-Avre et de Saint-Lubin-lesJoncherets sont responsables de l’échec des tentatives de déviation routière de ces communes.

Vous devez également savoir que le dérèglement complet des trois feux tricolores situés dans la traversée de Saint-Rémy-sur-Avre sont responsables à hauteur de 45% des bouchons et de la pollution engendrée.

Il est étonnant que vous ne voyiez pas d'autre solution que l'autoroute. Le déploiement du réseau ferroviaire est pourtant la seule alternative qui permette de faire baisser le bilan carbone des transports de biens et de personnes sur de grandes distances.

Etes-vous au courant des enjeux que les conséquences du changement climatique vont faire peser sur notre pays et sur notre territoire ? Vous ne pouvez pas ignorer que la décarbonation des transports et la préservation des terres agricoles doivent impérativement prendre le pas sur le développement du réseau autoroutier et sur l’artificialisation des espaces naturels.

Vous pourriez faire de notre département un territoire pilote en terme de transition écologique, mais vous choisissez manifestement de poursuivre le mythe d’un développement sans fin, destructeur et dépassé. Les quelques 660 hectares de champs, les 70 hectares de forêts, les vallées massacrées par le tracé sont autant de patrimoine de notre département qui ne pourra pas être compensé. Et c’est sans compter les centaines d’hectares supplémentaires qui seront détruits par l’installation de plateformes logistiques, de zones d’activités et pour le rétablissement de voies de circulation, en parfaite contradiction avec les objectifs de la loi Zéro Artificialisation nette.

Vous parlez, Monsieur le Président, de la « colonne vertébrale » qui manque à notre territoire, comme si la RN154 et la RN12 n’existaient pas et ne desservaient pas gratuitement notre département.

Comme vous le savez, l’objectif final du projet A154 est de relier les métropoles régionales de Rouen et d’Orléans, ou encore l’A13 et l’A10. Pourquoi ne pas miser plutôt sur le développement du ferroviaire et du ferroutage ?

- Où en est votre proposition, datant d’octobre 2021, de rétablir la ligne ferroviaire Dreux-Chartres, pour un investissement de moins de 50 millions d’euros ?

- Le ferroutage, comme la région Centre Val de Loire et la Région Normandie ont commencé à le faire avec un accord en janvier 2023 pour relier Le Havre à Orléans via Massy avec 150 conteneurs/nuit mis en place dès fin 2024, ne pourrait-il pas se développer encore plus ?

On peut se demander comment votre vision du développement économique peut ignorer volontairement l’effet « tunnel » qu’une infrastructure autoroutière produit immanquablement sur les territoires traversés, en réduisant le temps de liaison entre les pôles situés aux extrémités. Il s’ensuit fréquemment une désaffection en terme de fréquentation économique et touristique. Le territoire français est semé de villes moyennes qui connaissent cette situation.

Vous affirmez, Monsieur le Président, que cette autoroute doit être « utile ». Mais utile pour qui ? Sera-t-elle utile aux Euréliens, qui sont les utilisateurs et les contribuables d’une partie des infrastructures de transport du département et qui devront payer encore plus pour aller travailler ?

Votre représentant, en charge du projet A154 au conseil départemental, porte un autre discours quand il affirme que l’A154 est avant toute chose destinée au transport routier. Comment la réalisation de l’A154 pourrait-elle être « le moins difficile possible », quand les choix qui ont été faits amènent inévitablement des nuisances pour les villages situés sur les itinéraires de substitution ou le long du tracé autoroutier ? Les choix de privatisation de la route nationale 154 et de contournement périurbain des agglomérations de Chartres et Dreux sont des erreurs de conception du projet qui sont plus que jamais rédhibitoires.

De plus, comme vous le savez, des permis de construire ont été accordés et des programmes immobiliers sont en cours dans la bande des 300 mètres. Il serait peut-être temps d’obtenir la publication des doléances de toutes ces communes, déposées en Préfecture à la fin de l’année dernière, afin d’en connaître enfin la teneur, et avant qu’un éventuel concessionnaire ne soit désigné par l’Etat comme lauréat de l’appel d’offre pour la construction du projet ?

Par ailleurs, en ce qui concerne l’approbation du projet par l’immense majorité des Euréliens, telle que vous l’affirmez, êtes-vous en mesure de citer vos sources, de montrer sur quelle étude ou sur quelle consultation repose cette certitude ? Les résultats de l’enquête de circulation réalisée fin 2022 par un « groupement » de candidats à la concession autoroutière n’ont pas été dévoilés au public.

A notre connaissance, la seule consultation remonte à l’enquête publique il y a 7 ans, où 74 % des avis exprimés étaient défavorables au projet. La grande majorité des habitants que nous rencontrons considère le projet A154-A120 comme obsolète et pénalisant pour notre territoire, particulièrement les agriculteurs qui constituent une des forces vives de notre département. Qu’en sera-t-il lorsque la réalité du projet retenu sera rendue publique, avec son cortège de mauvaises décisions et de promesses non tenues ?

Etiez-vous si certain, Monsieur le Président, de l’absolue nécessité de l’A154 pour notre département, lorsque que vous lanciez – le 30 juin dernier – une consultation pour la « Réalisation d’une étude d’impact et d’opportunité socioéconomique de l’aménagement de l’A154-A120 en Eure-et-Loir » ?

L’argent public doit-il servir à financer cette nouvelle étude, qui sera orientée afin de conforter les choix de son donneur d’ordre ?  Nous sommes convaincus, Monsieur le Président, qu’une réévaluation de la Déclaration d’Utilité Publique de l’A154-A120 – obtenue en juillet 2018 - conduirait aujourd’hui à son annulation, car les inconvénients du projet l’emporteraient sur ses avantages.

Au vu du contexte, nous vous demandons donc, Monsieur le Président, d’organiser un vrai débat public sur la poursuite ou non du projet A154-A120, en informant les habitants d’Eure-et-Loir concernés avec les vraies données chiffrées mises à jour, suivi d’une consultation citoyenne impartiale.

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de nos salutations distinguées.

Le Collectif NONA154A120