Cactus reproduit une interview de Quentin Guillemain consultable également sur le site de Génération Écologie.

Comment réagis-tu à la violation par la Russie de Poutine du droit international et de l’intégrité de l’Ukraine, aux portes de l’Europe ?

Quentin Guillemain : La Russie se fiche du droit international. Malheureusement cela était prévisible car le Kremlin cherche par tous moyens une raison de contrôler l’Ukraine qu’elle considère comme son territoire. Il s’agit en réalité d’une vision impérialiste de Poutine. Le discours prononcé hier soir précise ses véritables intentions : remettre en cause l’indépendance de l’Ukraine obtenue en 1991 de haute lutte. C’est pour cette raison que nombre de pays des baltiques ou de l’ex-Union Soviétique sont beaucoup plus fermes dans leurs réactions car ils savent qu’après l’Ukraine, tout sera possible et qu’ils seront les premiers sur la liste. Enfin, ce n’est pas une première. Même si on en parle peu, ce qui s’est passé en Transnistrie en Moldavie ou en Crimée en Ukraine ont créé des précédents qui laissent penser à Poutine que tout lui est permis sans qu’une réaction majeure des Européens ne puisse être crainte.

Que doivent faire la France et l’Europe ?

Quentin Guillemain : Le rôle de la France et de l’Europe est important. D’autant plus que la France préside en ce moment même le Conseil européen. L’Union européenne doit montrer qu’elle ne peut pas accepter qu’un pays puisse être annexé à ses frontières sans réaction particulièrement ferme. D’abord des sanctions économiques doivent être prises vis-à-vis des dirigeants et oligarques russes et de leurs proches. Nombre de biens en leur possession sont en Europe ou entretiennent des relations économiques avec l’Europe. Il en est de même avec certaines sociétés russes contrôlées par le Kremlin. Ensuite il faut réfléchir à la manière d’aider l’Ukraine à préserver son intégrité territoriale. Je ne suis pas partisan des livraisons d’armes comme le font certains pays. L’ONU et l’Union européenne devraient déployer dans cette région une force de maintien de la paix pour prendre de court la stratégie de Poutine qui, au non d’une soi-disante sauvegarde des populations civiles, amène ses troupes en Europe.

La grille de lecture que tentent d’imposer certains candidats d’une sorte de retour de la guerre froide Est/Ouest est-elle valable ? Des candidats à la présidentielle justifient la position de Poutine sur l’Ukraine. Ça t’inspire quoi ?

Quentin Guillemain : Ce qui se joue dans cette histoire n’est pas un remake de la guerre froide comme tentent de le décrire certains candidats ou certains observateurs. C’est une vision passéiste des choses. C’est exactement la lecture que veut en donner Poutine. La réalité est toute autre. Il s’agit de velléités d’expansion russe, mais aussi de contrôle de ressources naturelles en Ukraine (les zones annexées par la Russie concentrent de très importantes ressources minières et gazières) et de contrôle de la mer d’Azov et de la mer Noire. C’est une zone géostratégique importante pour la Russie et ses projets expansionnistes de reconquête de l’ex-espace soviétique, une sorte de revanche sur l’histoire et sur la dislocation de l’ex-URSS. Poutine veut nous faire croire que la Crimée et les régions de Donetsk et Luhansk sont attaquées par des pro-occidentaux que seraient le reste de l’Ukraine. Il veut nous faire croire à une sorte de conflit entre pro-russes et pro-occidentaux en Ukraine. Entre les valeurs sociétales conservatrices russes et les valeurs sociétales libérales occidentales. Évidemment, la situation est bien plus complexe que cela et j’invite tous ceux qui font cette lecture binaire à rencontrer le peuple ukrainien qui est loin des stéréotypes qu’ils peuvent parfois véhiculer.

Un ancien Premier ministre travaille pour des compagnies Russes, d’autres y ont obtenus des financements pour des précédentes campagnes électorales. Est-ce une marque de l’amitié franco-russe ?

Quentin Guillemain : Je ne confonds pas l’amitié entre des peuples et les actes de leurs dirigeants. Trop souvent apparaît cet amalgame. Parce qu’on serait contre Poutine, nous serions contre les Russes ! Si la Russie était une démocratie, cela se saurait. Le peuple ne choisit pas librement ses dirigeants en Russie.
Concernant les liens entretenus entre la Russie et certains de nos dirigeants, c’est une stratégie de Poutine. Une des banques russes a financé récemment une candidate avec pour vocation de déstabiliser la France et sa démocratie. De la même manière, s’acheter un ex-Premier ministre français ou un acteur célèbre pour porter la voix russe en Europe est une bonne affaire pour le Kremlin. Il en est de même pour certains médias qui ont fleuri ces dernières années et qui ne manquent pas de moyens pour distiller des fake news ou des théories du complot. C’est une stratégie d’influence qui n’hésite pas par tous moyens à tenter de déstabiliser nos démocraties. La complaisance de Zemmour, mais aussi de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de Poutine est consternante.

Une partie de ta famille est en Ukraine. Comment peut-on exprimer notre solidarité de façon utile ?

Quentin Guillemain : La meilleure manière de montrer notre solidarité vis-à-vis de l’Ukraine est de montrer notre amitié avec le peuple ukrainien. Certains maires écologistes préparent déjà des jumelages symboliques avec des communes ukrainiennes. Vous ne pouvez pas imaginer l’impact de ce type d’initiatives sur nos amis ukrainiens qui se demandent s’ils devront choisir entre combattre pour conserver leurs terres ou quitter leur pays. La seconde façon d’aider l’Ukraine, c’est de porter une position nette dans les choix de l’élection présidentielle française. C’est ce que fait avec force Yannick Jadot qui a toujours eu une position claire.

Quentin Guillemain, élu municipal de Chartres, est coordinateur adjoint et porte-parole de Génération Écolologie, chargé du Pôle écologiste.