Quentin Guillemain, conseiller municipal Chartres écologie et porte-parole national de Génération écologie, a été espionné par une ou des « puissances étrangères » via son téléphone portable infesté par le logiciel Pegasus conçu par la société israélienne NSO Group.
1. Quentin Guillemain, dans quelles circonstances avez-vous découvert cet espionnage ?
Quentin Guillemain. Un journaliste du journal Le Monde, m’a sollicité il y a plusieurs semaines. Membre du « Projet Pegasus », il travaillait sur l’immense enquête menée par l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project), un consortium international de journalistes internationaux. Il m’a indiqué que mon numéro de téléphone apparaissait sur des listes de téléphones ciblés par des États étrangers pour être utilisés dans le logiciel Pegasus édité par la société israélienne NSO Group. Il souhaitait pouvoir vérifier techniquement si des traces de ce logiciel y apparaissaient.
2. Lequel ou lesquels de vos engagements ont été ciblés ?
Q.G. Il s’agit de mes engagements internationalistes. J’ai créé l’ONG Cosmopolitan Project Foundation en 2014, ONG spécialisée dans le soutien aux sociétés civiles dans les pays en « transition démocratique », comme l’Iran, l’Ukraine, la Hongrie ou la Tunisie. Il s’agissait d’accompagner les associations, les universitaires et les intellectuels afin qu’ils puissent mener leurs projets à terme dans leur pays, souvent en coopération avec les ambassades françaises dans ces pays.
En 2017, dernière année de fonctionnement de cette ONG aujourd’hui en sommeil, nous avons organisé une semaine de rencontres à Paris avec des personnalités kazakhs (president-e-s d’associations, personnalités politiques) avec Amnesty international et l’ONG Open Dialog Foundation. C’est sûrement cet événement qui a été le déclencheur de la surveillance de mon téléphone souhaitée par le Kazakhstan.
Cependant, il faudrait une analyse technique plus fine de mon téléphone pour en être certain, car il est très difficile de savoir quand et combien de temps ce logiciel a été actif si il l’a été et a réussi son œuvre et les informations qu’il a pu transmettre.
3. Comment entendez-vous réagir ?
Q.G. J’ai vu que l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) se saisissait du dossier pour apporter son expertise technologique auprès de Français concernés, je vais les solliciter dans les prochains jours. Par ailleurs, je dépose une plainte ce lundi auprès du procureur de la République de Paris sur la base de six fondements dont l’atteinte à l’intimité de la vie privée, l’atteinte au secret des correspondances et l’association de malfaiteurs.
4. Quelles mesures souhaitez-vous que la France prenne à l’encontre des acteurs de cet espionnage ?
Q.G. J’écrirai au Président Macron et à l’Ambassadeur du Kazakhstan en France afin que les relations diplomatiques que la France et le Kazakhstan entretiennent permettent de faire la lumière sur cette affaire.
Il est inadmissible que les outils de lutte contre le terrorisme soient utilisés à des fins de surveillance politique. Ces dérives inacceptables doivent renforcer notre détermination à garantir les libertés publiques des militants et activistes pacifiques à travers le monde. Il est urgent de conquérir notre souveraineté numérique pour que les principes de la démocratie et de la République s’appliquent dans le cyberespace.
La France doit protéger ses citoyens contre ces pratiques de surveillances illégales et le NSO Group doit immédiatement cesser de vendre ses outils de surveillance à des pays dont on sait qu’ils soumettent des défenseurs des droits humains et des journalistes à une surveillance illégale.