Hervé Kempf est le fondateur du quotidien de l’écologie Reporterre, ancien journaliste au journal Le Monde et auteur de plusieurs essais dont Comment les riches détruisent la planète, il signe cette fois une charge vigoureuse contre le capitalisme avec de solides arguments.
La principale explication du fait que l’oligarchie tarde à réagir face au dérèglement climatique, qui pourtant entrave la bonne marche de l’économie, c’est que la classe aisée n’est pas prête à réduire son train de vie luxueux (grand consommateur de CO2). L’auteur rappelle que le rapport de force établi par les salariés face au patronat dans les années 1960 a été peu à peu grignoté en mettant en concurrence la main d’oeuvre des pays occidentaux et les bas salaires pratiqués dans les pays émergents. La technique informatique permet par ailleurs de supprimer nombre d’emplois, cette technique s’impose à tous sans débat, de plus cette numérisation présentée comme devant nous simplifier la vie est aussi le moyen d’exercer un contrôle sur tous les citoyens.
Hervé Kempf observe l’évolution de la politique française et remarque que l’extrême droite est de plus en plus acceptée par l’oligarchie parce qu’elle détourne la colère populaire des rangs de la gauche qui pourrait avoir l’idée de promouvoir une forte fiscalité des hauts revenus et une lutte efficace contre l’évasion fiscale. En réduisant systématiquement le budget de la santé le néolibéralisme a transformé une pandémie gérable en catastrophe. En creusant les inégalités, le capitalisme a plongé des millions de personnes dans la pauvreté.
C’est un avenir assez sombre que l’auteur entrevoit, un scénario d’apartheid climatique où les riches se protègent à grand frais des bouleversements du climat tandis que le reste du monde est abandonné à son triste sort. Hervé Kempf affirme que l’Etat est beaucoup plus soumis aux pouvoirs économiques (multinationales et banques) que ne l’était l’Etat russe en 1917. Le néolibéralisme actuel, est pour l’auteur, « un capitalisme sans la démocratie. »
Pour les écologistes, il ne s’agit pas de détruire l’économie, mais de la mettre à sa juste place et les géants du numérique sont désignés comme les principaux ennemis à combattre. Pour terminer son essai sur une note positive, l’auteur propose une série de règles pour contrer le capitalisme : « il cultive la compétition, choisissons la coopération ; il est égoïste, vivons l’entraide ; il gaspille, soyons sobres ; il accumule, partageons ; il est pressé, prenons notre temps. » Comme François Ruffin, il termine cet essai par la formule : « Consommer moins, répartir mieux. »
Cet ouvrage est un appel à la mobilisation : le capitalisme comporte des failles, il est temps de proposer une autre vision du monde, c’est le combat de ce journaliste, une fois encore, d’une grande lucidité.
Hervé Kempf, Que crève le capitalisme, Seuil 2020, 110 pages, 14,50 €.
Denys Calu