Absent du dernier conseil municipal chartrain en raison d’une session plénière du Conseil régional, j’ai recueilli son récit auprès d’Olivier Maupu à qui j’avais donné pouvoir, ce qui me permet, pour ne pas perdre de bonnes habitudes, de commenter mais surtout de réagir.

Je retiens surtout de cette narration la répétition de cette éternelle succession d’interventions de Chartres Ecologie et de monologues de Jean-Pierre Gorges tout entiers consacrés à son génie et à notre nullité.

A retenir aussi l’obsession du maire pour la reconstruction du quartier de la Madeleine (plus précisément d’abord pour sa démolition) : la « table rase », encore un concept qui fleure bon les Trente Glorieuses et qui ignore l’histoire, l’attachement profond de nombreux habitants pour le lieu où ils ont grandi et/ou fondé leur famille. Un quartier construit sa qualité et son épaisseur sur le temps long.

Repartir de zéro tous les cinquante ans, c’est s’enfermer dans le syndrome de la ville-nouvelle, sans âme et sans toutes ses relations de voisinage lentement tissées.

Au contraire, remplacer les nappes de parkings par des jardins arborés au cœur des grands U formés par les barres de logements, isoler les immeubles et leur offrir de belles loggias en façades pour le confort et le pouvoir d’achat des habitants, faciliter et valoriser la relation du quartier avec le centre commercial, créer des potagers collectifs en proximité ne sont que quelques pistes pour donner un nouveau souffle ambitieux à la Madeleine sans tout détruire, tout effacer et massivement déplacer les résidents. « FAIRE AVEC », c’est le credo de Chartres Ecologie pour notre ville de demain : avec les habitants, avec notre patrimoine, dans le respect des ressources naturelles et des mémoires humaines.

N’appréciant guère être interpellé en mon absence, je vais commenter les remerciements que Jean-Pierre Gorges a prononcé à mon égard lors de la séance (jamais content çui-là, allez-vous me dire !). Il m’a en effet remercié pour avoir récemment remis à la ville de Chartres, en tant que président de l’Agence Régionale de la Biodiversité (ARB),  le prix de « Territoire Engagé pour la Nature ». Quelques précisions à ce sujet :

• il ne s’agit pas d’un prix (n’est-ce pas contradictoire avec la phrase précédente ?) ni d’une distinction mais d’une sorte de label qui engage la collectivité plus qu’elle ne la récompense,
• la labélisation est accordée sur présentation d’un dossier précisant les actions que la collectivité s’engage à mener en faveur de la biodiversité (mais il n’y a pas d’actions obligatoires),
• le label n’a pas été remis à la ville de Chartres mais à Chartres Métropole (distinction difficile à assimiler par notre maire-président), représentée au titre de la biodiversité par Jean-François Plaze, vice-président.
• lors de la visite de groupe faite à Blois préalablement à la remise des labels, je me suis longuement entretenu avec ce dernier (beaucoup plus affable et à l’écoute quand le chef n’est pas là…) pour lui détailler toutes les réserves que j’émets dans la sélection de Chartres Métropole, validée avant nomination à l’ARB.

Cette expérience protocolaire un peu délicate a précédé mon souhait, au vu de la politique antiécologique globale à Chartres, de réétudier, avec toute l’équipe engagée et compétente de l’ARB, les modalités de labélisation, voire d’envisager une procédure d’audit préalable à celle-ci.

Lors de mon discours d’accueil à Blois, c’est en pensant au « Plan Vert » qui regroupe la totalité des actions en faveur de la nature présentées par Chartres Métropole que j’ai précisé que le label ne devait pas ghettoïser la nature : faire tout bien dans une réserve où se concentrent tous les promeneurs pendant qu’on détruit le vivant partout ailleurs sous le béton et les bagnoles. L’alibi du Plan Vert de l’agglomération (qui, par ailleurs, colonise de véritables espaces naturels et justifie de ne pas faire de pistes cyclables là où elles seraient vraiment utiles au quotidien) est particulièrement pratique et malhonnête pour le maire de Chartres qui dans le même temps :

• déclasse des espaces boisés protégés (Sentier du Clos Vert),
• ne protège pas une zone définie comme corridor de biodiversité dans le PLU (abattage des arbres à l’arrière de l’ancienne clinique du Bon-Secours),
• supprime les dernières zones à vocation agricole du PLU,
• n’a pas maintenu le Muséum d’Histoire Naturelle (fermé depuis de très longues années pour abriter un auditorium dont les travaux n’ont toujours pas débuté) et ne développe aucune action d’éducation à la nature,
• soutient le projet d’autoroute A154 et lance la construction d’un nouveau parc des expositions, deux équipements à contre-sens de l’histoire et destructeurs de sols fonctionnels (pensons aux crises de l’eau et de l’alimentation à venir), de paysages et de biodiversité,
• s’apprête à imperméabiliser définitivement et totalement les abords de la cathédrale et à continuer d’étendre les îlots de chaleur du centre-ville,
• a inspiré et validé un Plan Local d’Urbanisme permettant aux promoteurs d’artificialiser quasiment tous les anciens jardins privés de la ville et prévoyant encore l’artificialisation de 200 hectares par étalement urbain (record pour une ville moyenne et en contradiction avec la loi Climat et Résilience de juillet 2022),
• a supprimé un élément de la trame verte (chapelet d’habitats de faune urbaine) en aménageant un accrobranche dans une quarantaine d’arbres du parc André-Gagnon et de la butte des Charbonniers : pas de nidification ni de vie sauvage dans des ramures traversées quotidiennement par un public agité et bruyant (à juste titre), sans compter l’agression physique des centaines de pointes vis enfoncées dans les troncs des vénérables,
• l’artificialisation définitive de la vallée du Couasnon derrière la gare pour un parking d’un autre temps.

Je vous laisse compléter la liste à l’envi et dans le détail, qui confirme l’imposture écologique relayée chaque mois dans Votre Ville et Votre Agglo.

Ce cas d’école va néanmoins me permettre d’œuvrer à la tête de l’ARB pour relever les niveaux d’exigences des labels décernés pour que, dans les villes et agglomérations concernées, la nature soit partout respectée et enrichie, qu’elle devienne une priorité dans les décisions d’aménagement et qu’elle soit sanctuarisée dans les documents réglementaires : les services qu’elle nous rend aujourd’hui deviendront vitaux demain ! Ranger les tondeuses à gazon et laisser certaines prairies s’épanouir ne suffisent plus.

Jean-François Bridet