La Chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire a contrôlé les comptes et la gestion de la communauté d’agglomération Chartres métropole. Son examen a porté sur les exercices 2014 et suivants. Voici le résumé de son communiqué officiel.
"Première communauté d’agglomération de la région Centre-Val de Loire par sa population, Chartres Métropole a connu de nombreuses évolutions en l’espace d’une décennie. En 2011, elle comptait 32 communes et 112 000 habitants. Dix ans plus tard, elle forme un vaste territoire de 66 communes regroupant 140 000 habitants. Elle exerce une quarantaine de compétences, dont plus d’une dizaine transférées depuis 2015.
Une stratégie d’investissement soutenue qui appelle une organisation plus efficiente.
Chartres métropole met en œuvre une politique d’investissement soutenue visant à renforcer l’attractivité du territoire et l’offre de services à la population (abords de la gare, complexe culturel et sportif, pôle administratif, etc.). En l’absence d’économies de gestion, la réalisation du programme d’équipement prévisionnel (245 M€ à l’horizon de 2023) pourrait conduire la communauté d’agglomération à s’endetter au-delà de ses capacités financières. La programmation des investissements gagnerait à être éclairée par une prospective financière consolidée, pour que le conseil communautaire puisse se prononcer en pleine connaissance de cause sur les scénarios soutenables.
Une stratégie d’externalisation ayant conduit à la création d’une quinzaine d’organismes distincts de la communauté sans prise en compte des risques.
Chartres métropole a externalisé la gestion de services et d’équipements publics dans douze entreprises publiques locales dont elle est l’actionnaire de référence. Ces sociétés connaissent des difficultés financières récurrentes. La communauté d’agglomération a été amenée à leur verser des aides de plus de 91 M € en cumul au 31 décembre 2020 (soit 177 % des ressources fiscales intercommunales) dont la régularité doit être sécurisée. Chartres métropole est invitée à renforcer son pilotage et la transparence et à mettre en place les dispositifs de nature à maitriser les risques financiers et déontologiques engendrés par son choix organisationnel."
Cactus publie également ci-dessous le texte de l'intervention de Quentin Guillemain, élu communautaire Chartres Écologie, sur le sujet lors du conseil communautaire du 29 septembre 2022.
"Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Maires, chères et chers collègues,
Ce rapport de la Cour régionale des comptes relatif à Chartres métropole est un des rapports les plus importants de la mandature. En effet, il permet de disposer d’une évaluation impartiale d’un tiers extérieur, de magistrats compétents, de la gestion de la majorité aux manettes de notre collectivité depuis plus de vingt ans. Alors, que dit ce rapport ? Quel bilan fait-il de la gestion de M. Gorges et de ses amis ?
Après le rapport de la Cour des comptes relatif à Chartres Aménagement paru il y a quelques semaines, qui pointait de nombreux dysfonctionnements et faisait une critique acerbe de la gestion de l’établissement présidé et dirigé par M. Masselus, nous disposons avec ce rapport d’une évaluation plus globale de la politique mise en place par M. Gorges entre 2014 et 2020.
Ce rapport est particulièrement critique et met en avant les nombreux dysfonctionnements et les dangers qui guettent notre agglomération. En toute humilité, il reprend beaucoup des éléments pour lesquels quelques-uns d’entre nous vous alertent depuis 2020, en signe de confirmation.
Je ne peux pas aborder toutes les difficultés pointées dans celui-ci, mais je voudrais en évoquer quelques-unes. Pour commencer, la Cour souligne l’endettement dangereux de notre collectivité et le risque engendré : « Une stratégie territoriale ambitieuse mais peu soutenable ». Les juges parlent, je cite, d’un « programme d’investissement peu soutenable en l’absence d’économies structurelles ». Le rapport conclut à la nécessité d’un plan de redressement financier pour notre collectivité qui apparait comme fortement endettée.
Chères et chers collègues, rendez-vous compte, la dette de notre collectivité a doublé entre 2014 et 2020, et l’écart entre l’encours de dette et les ressources d’autofinancement se creuse année après année. Le schéma (p.42) présent dans ce rapport illustre bien ce phénomène et nous conduit tout droit à la banqueroute.
Depuis 2014, l’encours de la dette annuelle de Chartres métropole a progressé à un rythme moyen annuel de +12%, bien supérieur à celui de l’autofinancement brut (5,3%), l’écart se creuse et conduit à nous endetter toujours plus.
Lorsque vous parlez investissement, vous masquez que cela conduit à un endettement extrême. En effet, cela illustre ce que nous évoquons depuis 2020 : plus nous nous endettons, plus nous nous mettons en difficulté, les investissements réalisés ne permettant pas de dégager de nouvelles ressources. Bien au contraire, beaucoup de ces investissements étant trop couteux en fonctionnement conduisent à devoir nous endetter pour leur fonctionnement courant (exemple de l’Odyssée ou de l’aérodrome, et bientôt du futur parc des expos ou du Colysée).
Chères et chers collègues, qui peut croire que ces infrastructures s’autofinanceront grâce aux ressources qu’elles dégageront ? il s’agit-là d’un puits sans fond qui engloutira l’ensemble de nos ressources à l’heure ou notre collectivité est fortement endettée et dépasse le seuil prudentiel pour les collectivités. Il s’agit ici d’éléments confirmés par la Cour des comptes qu’il nous faut prendre au sérieux ! Si nous ne réagissons pas en mettant fin aux projets mégalomanes, nous irons dans le mur et ce, pour de nombreuses années.
Il y est bien sûr évoqué, pour la seule communauté d’agglomération, les frais de représentation du Président de 1500 euros par mois en plus de vos indemnités d’élus et dont, selon les magistrats, je cite : « le suivi mériterait d’être clarifié afin de ne pas être considérés comme un complément de rémunération déguisé. »
Nous avions nous-même demandé au Président et Maire de Chartres de faire la transparence sur ses frais de représentation qui, même s’ils sont forfaitaires, doivent correspondre à des dépenses réelles dans le cadre de ses fonctions.
La Cour propose qu’une charte définissant un référentiel de dépenses soit adopté par le Conseil communautaire. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette proposition qui, nous l’espérons, sera mise en œuvre par Chartres métropole.
La Cour souligne également à juste titre dans le cahier 2 du rapport les problèmes posés par la multiplication des entreprises locales de type SEM, SEMOP etc. Douze organismes y sont mentionnés.
A ce titre, la synthèse du cahier 2 du rapport est particulièrement riche en commentaires. On y apprend que 91 millions d'euros d’aides cumulées au 31/12/2020 ont été versées à ces entreprises locales aux limites de ce qu’il semble possible de faire légalement. La cour dénonce également « un manque de transparence propice à un pilotage défaillant », mettant ainsi en doute la soi-disant bonne gestion vendue quotidiennement par l’exécutif de Chartres métropole. Les magistrats recommandent dès lors des plans structurels pluriannuels de redressement financier de ces SPL et autres sociétés publiques locales sous peine de devoir réaliser des « sauvetages financiers » en urgence de certaines SPL en difficulté.
La gouvernance de ces entreprises est durement remise en cause par les magistrats en raison des cumuls de responsabilités des élus et de cumul d’activités des agents publics des collectivités. On comprend dès lors l’attention fortement portée ces dernières semaines aux potentiels conflits d’intérêts des élus...
Dans ce rapport, la Cour des comptes évoque aussi la politique de soutien aux associations de notre agglomération. Deux des points soulevés méritent notre attention :
Tout d’abord, l’association Chartres Formation Supérieur et Demain (CFSD), dont la Cour juge le suivi comme « lapidaire » : 3 millions d'euros de subventions ont été accordés (sur deux ans, en 2017 et 2018) à cette seule association par l’agglomération ainsi qu’un prêt de 2 millions d'euros sur une durée de 12 ans par la Caisse d’épargne pour financer les travaux du site de l’ancien lycée Marceau. La durée de ce prêt a d’ailleurs été prolongée en 2020 sous prétexte du COVID sans mentionner les difficultés financières structurelles de l’association et les manques de sa gouvernance.
La Cour s’inquiète de, je cite : « difficultés financières qui se sont amplifiées » et d’une possible mise en jeu de la garantie de l’agglomération, certainement en raison d’impayés vis-à-vis du prêteur. C’était avant que Chartres métropole reprenne le bail emphythéotique de l’association en juin 2022, éponge ses dettes et fasse des travaux pour trouver des occupants supplémentaires à l'école privée de cosmétique hors contrat qui y réside.
On peut aussi s’interroger sur la manière dont cette association a obtenu un prêt de 2 millions d'euros en septembre 2017 en ayant été créée quelques jours auparavant (le 20/09/2017). Peut-être est-ce grâce à l’aide de M. Masselus qui a présenté la garantie de cet emprunt aux élus de l’agglomération tout en étant membre du conseil d’orientation et de surveillance de la Caisse d’épargne ?
Enfin le dossier de Chartres Médiévale ferait également l’objet de carences notables selon la Cour. De 2017 à 2019, on parle ici de plus d’un demi million de subventions de l’agglomération sans parler du prêt de locaux de plus de 4600m². Y sont évoqués pêle-mêle, de graves désordres comptables, d’une situation déficitaire sur plusieurs exercices, des doutes sur la continuité de l’activité...
Il y a sur ces deux dossiers pris sur un échantillon de dossiers de subventions de graves disfonctionnements qui sont relevés et qui démontrent une relative insouciance du devenir des fonds publics (plus de 5 millions d'euros rien que pour ces deux associations sur une période de trois ans).
Chères et chers collègues, j’en appelle ici à votre responsabilité face à cette sirène d’alarme de la Cour des comptes qui sonne comme la dernière chance de se ressaisir avant que le monstre financier s’écroule sur nous tous et sur nos concitoyens, ne laissons plus faire la gabegie de cette équipe et sa folie des grandeurs qui nous conduiront vers une impasse.
M. le Président, pour résumer, quatre questions :
- Allez-vous suivre les préconisations de la Cour des comptes concernant sa demande d’un plan de redressement financier pour les années qui viennent et une moindre ambition d’investissements dans des projets inutiles ?
- Allez-vous entendre les préoccupations de la Cour sur les dérives en cours concernant le pilotage et la gouvernance ainsi que sur les risques financiers de la multiplication des entreprises publiques locales ?
- Allez-vous poursuivre votre confiance après des deux associations CFSD et Chartres Médiévale malgré les errements relevés sur des sommes conséquentes pour nos concitoyens ?
- Enfin, allez-vous suivre les préconisations de la Cour sur vos propres frais de représentation qu’elle considère comme non suivis et faire voter dans cette assemblée un référentiel des dépenses possibles dans ce cadre comme elle vous le demande ?"