Un tilleul place Drouaise est en mauvaise posture. Des coupes de grosses branches ont été simplement arrêtées pour ce week-end.

C’est la pire période pour élaguer et encore plus pour élaguer aussi sévèrement, ce qui signifie que ce n’est pas un élagage mais un ébranchage préalable à l’abattage de l’arbre, ou, dernière hypothèse, l’incompétence de l’entreprise et de son commanditaire – la commune -, sont crasses. Le trait de tronçonneuse à quatre mètres de hauteur montre que le démontage n’est pas terminé et que c’est bien la mort de l’arbre qui est programmée.

L’arbre présente effectivement une grosse plaie sur le côté due à une grosse branche qui a pourri (pourquoi ?) et qui est tombée. Elle, ou une de ses branches secondaires, menaçait sans doute la sécurité devant l’école et sur la place. Cependant, les autres branches plus dans l’axe du tronc sont en bon état et les morceaux coupés, entassés sur le sol, le montrent bien. Le tronc et les premières charpentières encore debout semblent sains : pas de pourriture, pas d’attaque. Je pense qu’il était possible de sauver l’arbre en faisant une coupe de la branche latérale défectueuse seulement même si cela déséquilibrait pour un temps l’arbre. Et, bien entendu, en faisant cette coupe à temps et à la bonne époque.

Maintenant, cet arbre paraît condamné à très court ou court terme. De toutes façons, il ne pourrait supporter de nouvelles branches sans danger : elles seraient installées sur des grosses sections de coupe et ne pourraient s’ancrer en profondeur dans le bois. Il faudrait alors tailler régulièrement l’arbre tous les deux ans en têtard. Mais l’arbre prend une sacré coup avec ce travail à cette époque de l’année.

Deux des arbres voisins ont eu des branches cassées par cet élagage avec une plate-forme ou peut-être par la chute de la grosse branche blessée ; comme leur alter ego de l’autre côté, ils portent l’empreinte du houppier de l’arbre élagué. Peut être pourront-ils réagir. On a vu après la tempête de 1999 des tilleuls du boulevard Foch refaire leur houppier et contribuer à combler le « trou » laissé par des arbres tombés. Mais c’est bien l’alignement et le dessin de la place souligné par les tilleul qui sont menacés.

Il y a eu un manque de réactivité, ou même plusieurs :

– La grosse branche latérale, vue sa cicatrice, était blessée depuis longtemps. Pourquoi n’a-t elle pas été coupée plus tôt ? Et ce n’et pas le covid qui a empêché de le faire, mi–mars n’est pas la bonne période : l’arbre est en montée de sève. Il aurait fallu intervenir en hiver : décembre, janvier ou février pendant le repos complet du tilleul.
– L’arbre a le pied dans l’enrobé du stationnement. Ce n’est pas un milieu nourricier pour lui. Il faut imaginer qu’il a l’âge sans doute de l’école, inaugurée en 1913. Il a poussé dans un sol fertile avec de la végétation au pied pour l’accompagner. Il n’y plus rien aujourd’hui, que quelques pieds de pâturin annuel (une petite herbe) et des chocs de voiture.
– Facteur aggravant, le pied de l’arbre a été traité chimiquement pendant longtemps, plusieurs décennies ; la responsabIlité dans ce domaine est générale, elle a contribué a affaiblir l’individu.

Ces constats renforcent l’idée d’un diagnostic général de beaucoup de structures arborées de la ville : butte des Charbonniers, place Drouaise, boulevard Foch. Il y a eu précédemment des élagages et abattage absurdes d’individus isolés, par exemple comme au tertre qui remonte entre la chapelle saint Eman et et la maison du Saumon. Cependant, ce sont ces grandes structures constituées souvent d’arbres de même espèce et du même âge qui ont disparu et sont menacées : boulevard de la Courtille, place de Cygne, plus hétérogène dans sa composition. Les décisions ont prises au coup par coup dans l’urgence qui aggrave les dégâts des aléas de la vie en ville ou, pire, elles préparent volontairement l’abattage général. En clair, ce sont des pans entiers du patrimoine arboré qui sont menacés soit par incompétence, soit par calcul cynique.

François Roumet