Il faut lire Pierre Bobin. Tout simplement. Pour le plaisir de la pensée servie par une multitude de mots scintillants accrochées comme des guirlandes sur un sapin de Noël.
Ce qu’écrit Pierre Bobin est beau. Tout comme une toile de Pierre Soulages. Pierre, le titre de son dernier essai navigue dans ce que l’on appelle l’humanité. Le songe d’une nuit d’hiver est une promenade dans ce qui fait la hauteur de l’homme. Christian Bobin aime Soulages. Mais cet amour pour l’œuvre n’est qu’un prétexte pour vagabonder vers d’autres lieux. Comme le fait ce voyageur, en solitaire, dans un train fondant la nuit de Noël vers le cimetière où reposent Paul Valéry et son disciple Brassens. Christian Bobin nous entraîne dans ses pensées pour éclairer certaines zones de notre conscient ou de notre inconscient : « Quand un homme a trouvé Dieu comme on découvre une fraise des bois, le diable approche de lui et se déclare son ami. Cette fable est pour toi. Tes peintures sont tellement plus protégées que toi » dit Bobin en direction de Soulages. Il affirme : « Le dieu, c’est le langage. Il n’y en a pas d’autre. Les briques de l’enfer, ce sont nos mots. On sait qu’on tue des gens en parlant. »
Christian Bobin va plus loin : « Les fleurs, les poèmes et les yeux concentrés des disparus me donnent la clarté nécessaire pour vivre et écrire. Je cherche l’humain. » La littérature abreuve le sillon qui mène vers l’abîme : « L’intérêt des livres, c’est qu’ils taillent nos yeux, retendent la chair de nos âmes. Je lis pour être réduit à mon épure. Je regarde un tableau ou j’écoute une partita de Bach pour la même raison. Attends un peu, monsieur tout noir du mont Saint-Clair. Attends. Le meilleur de nous prend parfois l’air. Qui le voit l’emporte. L’impérissable de toi est avec moi. »
Bien évidemment, Pierre Soulages n’est jamais bien loin : « Donner plein de sens à la vie, c’est lui inventer un nid. Je précise que chaque tableau de Soulages est à lui-même et à lui seul une maison parfaite car infiniment respirante. » Christian Bobin déclarait dans Le Figaro : « Pierre Soulages est le serviteur, non pas du noir, mais d’une extrémité de la pensée. C’est un penseur et un poète, autant sinon davantage qu’un peintre. C’est la vibration de ces trois ordres qui me touche dans son travail. » Il faut lire Christian Bobin absolument !
Pascal Hébert
Pierre, de Christian Bobin, éditions Gallimard, 96 pages, 14 €.