Que se passe-t-il depuis quelques jours au parc André-Gagnon, le « Clos Pichot » de notre enfance ? Le lieu de repos et de verdure par excellence à deux pas du cœur de ville. Le repère des amoureux, des amoureux des fleurs de la roseraie, des contemplatifs des arbres remarquables. Le repère des familles autour de l’agréable aire de jeu… On y installe un accrobranche ! Et ce sera le seul accrobranche de France installé dans un parc de centre-ville ! Vous souhaitez mieux comprendre comment on en est arrivé là ? C’est par ici.

Acte 1 – Programme municipal Chartres C’Vous (l’équipe de M. Gorges) – février 2020

Mme Isabelle Ménard l’avait annoncé dans le programme. À la question « Une idée un peu folle que vous souhaiteriez voir prendre corps dans votre ville ? », elle avait répondu : « Une tyrolienne entre la Butte des Charbonniers et le Parc André-Gagnon ». Tout était bien prémédité…

Acte 2 – Commission générale – 9 mars 2021

Avant chaque conseil municipal, une commission composée d’élus de la majorité et de l’opposition se réunit. Les projets de délibération sont présentés rapidement, et des questions peuvent être posées. Jean-François Bridet et moi-même avons développé un certain nombre d’arguments en contradiction avec le projet d’implantation d’une activité d’accrobranche via une convention d’occupation du domaine public – l’activité étant installée et gérée par des sociétés privées.

Nous expliquons que nous ne sommes pas contre le principe d’une activité d’accrobranche à Chartres, au contraire, mais qu’un site comme le secteur du camping ou le centre de loisirs du Rigeard, présentant tous deux un coteau boisé dans un site naturel beaucoup plus vaste, serait adapté et accessible à la différence d’un parc de centre-ville. Le Parc André-Gagnon ne présente, en aucun cas, le potentiel d’accueil d’un tel équipement, puisqu’il est composé de dizaines d’arbres centenaires remarquables, donc patrimoniaux, et qu’ils ne sont en aucun cas destinés à supporter ce type de structure.

Mme Ménard défend alors le projet avec beaucoup de passion et essaie de nous rassurer : « Ne vous inquiétez pas, les arbres seront chouchoutés ». Elle va jusqu’à nous narguer en fin de commission : « Comment pouvez-vous être contre un tel projet ? ». Je lui explique alors que mon intérêt particulier serait d’applaudir des deux mains, car mes enfants adorent l’accrobranche, mais nous sommes là pour défendre l’intérêt général, et que l’intérêt général, c’est d’assurer la protection de ce parc aux essences remarquables, et de l’usage paisible d’un poumon vert apprécié des Chartrains. Ce n’est pas « louer », à une société privée, pendant une durée de quinze ans, une vaste partie du parc, remontant jusqu’à la butte des Charbonniers, sans aucune garantie. À noter que le plan annexé à la convention, donc le plan qui fait foi, ne prévoit aucune tyrolienne dans cet accrobranche. Une idée un peu folle de moins !

Acte 3 – Conseil municipal – 17 mars 2021

Jean-François Bridet, au nom des élus de Chartres Écologie, présente à nouveau notre explication de vote contre cette implantation sur ce site, en raison des risques sur le patrimoine arboré. La quiétude de ce parc compromise et l’iniquité en matière d’usage entre les enfants « d’en haut » qui auront les moyens* d’accéder à l’activité, et ceux qui, « d’en bas », frustrés, se contenteront de les regarder passer. En l’absence de réponse, je demande alors si d’autres sites ont été étudiés à l’image du coteau de la Croix-Bonnard, ou le coteau du Rigeard, afin que l’accrobranche puisse bénéficier d’un espace plus généreux, naturel, plus adapté aux familles de Chartres et de l’agglo, qu’un parc d’hyper-centralité. Réponse de M. Gorges : « C’est le partenaire qui a choisi le site ». Nous remarquons que Mme Ménard souhaite intervenir en Conseil, mais n’a pas la parole. Elle ne prend étrangement pas part au vote. Cette délibération est votée par 31 voix pour, et seulement 5 voix contre (dont les 4 élus de Chartres Écologie).

Acte 4 – Installation des structures – avril 2021

Un véritable carnage ! Une honte inadmissible ! Alors que des techniques non invasives existent, à Chartres, les arbres ont été saignés à vif, recevant d’innombrables coups de marteaux et de perceuses… Toutes les plateformes et cales à câbles qui les accompagnent sont maintenues sur l’arbre par une centaine de clous (10 cm de long chacun) criblant leur tronc. Au moins huit énormes vis complètent les fixations, profondément ancrées dans le corps meurtri des centenaires. Il y a près de quarante plateformes… Je vous laisse faire le calcul de la quantité de plaies. De telles blessures entraînent irrémédiablement des conséquences fatales aux marronniers, tilleuls et autres platanes, pour le plaisir de certains.

Pourquoi d’autres techniques beaucoup moins destructrices n’ont-elles pas été mises en place, alors qu’elles existent dans de nombreux parcs d’accrobranches en France ? L’affirmation de Mme Isabelle Ménard résonne toujours : « Les arbres seront chouchoutés. »

La société AccroCramp, gérant de l’activité assure pourtant sur son site : « AccroCamp est extrêmement sensible à la protection de l’environnement, des arbres et de la forêt. La construction des plates-formes utilise une technique à base d’entretoises unique qui n’abîme pas l’arbre. »

La société Altus (concepteur/constructeur) est également très affirmative sur la question environnementale : « Pendant la construction d’un parcours acrobatique, nous respectons le plus possible la forêt et les milieux environnants. Nous accordons en effet une attention toute particulière à l’environnement pour un impact minimum. »

On nous aurait menti ?

Quelle fierté que le parc porte le nom d’André Gagnon, héros de la résistance ! Ces arbres ont survécu aux deux grandes guerres sans accro. Eux aussi ont résisté. C’est une simple activité, portée par une majorité sans limite, sans respect, qui aura raison de ces derniers, comme mitraillés, fusillés, sur le front de « l’attractivité », « du rayonnement ». Un affront à André Gagnon. Indigne !

Moralité : la majorité municipale chartraine est inapte !

  • Elle n’est pas capable de protéger le patrimoine arboré exceptionnel dont elle a simplement la charge de l’entretien pour assurer sa transmission aux générations futures.
  • Elle laisse se développer des activités sur des sites inadaptés, privant les Chartrains de lieux de détente et de repos, elle qui vante une ville apaisée.
  • Elle n’a pas su accompagner un porteur de projet vers un site plus adapté, plus vaste et agréable, tel que le coteau boisé près du camping ou des Grands-Prés.
  • Elle soutient une ville à deux « vitesses sociales » : ceux qui peuvent s’offrir des activités ludiques, et les autres, dans un lieu central : à la vue de ces autres. Au regard des tarifs pratiqués dans un parc public, par une société privée, cette stigmatisation parait improbable ! Les autres villes ne s’y trompent pas : aucune municipalité en France ne fait ça !
  • Elle crée des besoins nouveaux là où il n’y en avait pas : vous les verrez bientôt (re)sortir le projet de parking – évidemment payant – sous la butte des Charbonniers. On nous dira qu’il faut bien que les utilisateurs de l’activité puissent se garer…
  • Quant à la vue sur la cathédrale, pour tous les touristes qui arrivaient en car, et qui avaient la chance de traverser le parc et de découvrir les flèches en prolongement de la cime des arbres : ils n’y verront plus que des plateformes, ateliers et câbles tendus, comme autant de fils de marionnettes maintenant artificiellement sur pied autant de majestueux arbres blessés.

Triste réalité.

Olivier Maupu, conseiller municipal Chartres Écologie.

* exemple tarif AccroCamp (78) -5 ans : 10 €, -7 ans : 17 €, -9 ans : 21 €, +10 ans : 27€, tous parcours : 29 €

Lire par ailleurs le billet de François Roumet : Plateformes assassines.