A Chartres et dans les environs plusieurs projets de construction de logements à très forts impacts sur le voisinage risquent de se réaliser après le rejet par les tribunaux de la plupart des recours portés par les riverains.

Bien sûr, ce sont d'abord les Plans Locaux d'Urbanisme aberrants et incohérents, voulus par les maires, qui sont les premiers responsables, du fait de règlements qui autorisent des implantations très généreuses et des hauteurs de construction excessives. Ces mêmes maires délivrent donc des permis de construire des monstres sans se soucier des conséquences préjudiciables au voisinage.

Pour les riverains, la seule possibilité de s'opposer à ces constructions est le recours en justice. Mais, si l'autorisation d'urbanisme est annulée en première instance, le promoteur et/ou le maire font systématiquement appel (avec l'argent du contribuable) et réussissent le plus souvent « à l'emporter ».

Prenons trois exemples de projets de construction de logements présentés par des promoteurs privés (éventuellement associés à une Société Publique Locale). Sur ces sujets voir les articles précédemment publiés dans Cactus.

A. 22 logements au 29bis rue Chauveau-Lagarde à Chartres

Véritable OVNI de cinq étages dans une rue bordée de maisons de ville, l'immeuble présente un mur aveugle de 40 mètres de longueur et 15 mètres de hauteur. Suite au recours porté par dix riverains, le Tribunal administratif (TA) d'Orléans a annulé le permis de construire avec deux motifs : mur aveugle non conforme au PLU et non respect de l'article *R111-27 du Code de l'Environnement. La SCCV Renaissance, promoteur, a modifié ensuite son projet en supprimant (seulement) la moitié du 5ème étage coté rue. Cet abaissement partiel ne réduit pas suffisamment l'impact. Le maire, qui avait pourtant remercié en conseil municipal les riverains d'avoir porté recours, en avouant que le projet n'était pas bon, a quand même délivré un permis de construire modificatif ! Nouveau recours des riverains (…), mais appel du promoteur validé par la Cour de Versailles. Le plus étonnant est qu'entre temps le promoteur a obtenu sur le même terrain un permis de construire pour un projet plutôt correct de 11 logements ! Espérons qu'il soit préféré au précédent…

B. 35 logements au 34 boulevard de la Courtille à Chartres

C'est ce projet qui a provoqué l'abattage sauvage des fameux trois marronniers. Le bâtiment est implanté en limites séparatives et « offre » un pignon aveugle à 3,70 mètres devant les fenêtres de la belle maison riveraine, style « belle époque » et «immeuble protégé» au PLU. Le maire de Chartres a pourtant délivré un permis de construire. Les propriétaires habitants ont porté différents recours. La SCCV 24 Courtille, associée avec Chartres Développement immobilier, promoteur, a modifié son projet à la marge. La Ville a acheté une partie du terrain le long du boulevard au promoteur pour modifier l'alignement, ce qui a « régularisé » le permis (merci monsieur le maire !). Le promoteur a donc fini par obtenir un permis de construire modificatif. Reste encore à régler différents problèmes… Sans attendre, le promoteur a fait démolir le bâtiment de l'ancienne Chambre de Métiers et abattre les derniers arbres « survivants » pourtant situés dans l'Espace Boisé Classé !

C. 120 logements à Lèves

La SSCV AR CARMEL a obtenu un permis de construire 100 logements en lieu et place de l'ancien Carmel situé à Lèves au cœur d'un boisement et en lisière d'un ancien lotissement de Champhol. Il est prévu un parking souterrain de 182 places. Ce projet n'est accessible qu'en traversant le lotissement et entraîne l'abattage de presque la totalité des arbres existants.

En réaction à ce projet aberrant, un large collectif s'est formé dans le quartier pour manifester son opposition. Neuf riverains ont porté un recours contentieux auprès du Tribunal administratif d'Orléans. Malgré les nombreux vices dénoncés, le TA a rejeté la requête des riverains ! Stupéfaits, les requérants ont fait appel du jugement devant la Cour de Versailles et sont en attente d'une date d'audience…

Ces trois projets sont inacceptables et risquent de dénaturer le paysage. Non seulement les habitants riverains en subiront toutes les conséquences - perte de tranquillité, perte d'ensoleillement, perte de valeur immobilière de leur propriété -, mais ils auront dépensé beaucoup d'argent - frais d'avocat, frais de justice - pour rien.

Plus dévastateur encore, car déjà (presque) terminé, un permis de construire un immeuble de 35 appartements et 3 maisons a été accordé au promoteur C'VIEW entre deux terrains sis ruelle du Grand Sentier à Chartres. De chaque coté vivaient tranquillement deux couples. Malheureusement, aucun recours n'avait été porté. L'emprise des nouvelles constructions avec parking souterrain recouvre la totalité du terrain d'une limite séparative à l'autre, d'où de multiples problèmes de voisinage qu'il serait trop long à énumérer… Un des couples riverains, 90 et 95 ans, directement impacté par le projet depuis l'ouverture du chantier a perdu toute la tranquillité qu'il avait depuis 50 ans : dégradation du jardin et de sa santé.

Cette situation est intolérable, monsieur le Maire ! La densification a des limites.

Il est plus qu'urgent de réviser le Plan Local d'Urbanisme de Chartres et de modifier celui de Lèves. Seuls des élus respectueux du cadre de vie et du bien être de leurs concitoyens pourront le faire.

Faute de PLU qualitatif et soucieux de l'intérêt général, il n'y a que l'article R 111-27 du Code de l'Urbanisme* pour annuler un projet conforme au PLU mais mauvais, ou éventuellement l'Architecte des Bâtiments de France. Les tribunaux ne l'utilisent pas assez. C'est pourtant cet article qui a été utilisé en première instance par le TA d'Orléans pour annuler le honteux projet initial de la rue Chauveau-Lagarde.

Patrick Chenevrel, président de l'ADEAC

*R 111-27 : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.

Légende de la photo : ce projet de 37 logements 15 rue du Docteur Gilbert à Chartres a été retiré par le promoteur SCCV du clos Courtille (monsieur Bourguignon, également maître d'ouvrage du projet de 37 logements sur la Courtille) car il n'était pas conforme au PLU qui stipule qu'une façade sur voie d'une longueur supérieure à 30 mètres (ici 40 m) doit comporter une interruption de 20 %.