Ce jour, lundi 12 septembre après-midi, s’est déroulée l’audience de référé-expulsion devant la Présidente du Tribunal judiciaire de Chartres. Le rédacteur de l’assignation est Maître Vincent Rivierre, l’avocat du promoteur Philippe Bourguignon qui veut, arguant de son titre de propriété, abattre les trois marronniers de la Courtille, qui empêchent la réalisation de son énorme projet de construction immobilière. Sont assignées les associations Sykadap et Chartres Écologie, respectivement défendues par Maître Bruno Galy et Maître Sandra Renda. Le promoteur immobilier prétend que Sykadap et Chartres Écologie occupent le site de la Courtille et lui causent un « trouble manifestement illicite ». Il demande donc au Tribunal qu’elles soient expulsées…

Trente militants écologistes occupent les bancs de la salle d’audience avec, au fond, le service d’ordre, comme si l’audience aurait pu être perturbée. Personne de l’autre camp pour soutenir le conseil du promoteur immobilier (lui-même absent), même pas un élu de la Ville de Chartres pourtant impliquée dans le projet destructeur.

L’avocat du promoteur immobilier prend la parole en premier. Il invoque les sacro-saints droits à la propriété et à la sûreté, principes gravés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il déclare que le Directeur départemental de la sécurité publique lui a conseillé d’engager cette procédure d’expulsion (?). Par contre, il se trompe quand il affirme que la Préfète a pris l’initiative de rencontrer les militants écologistes opposés à l’abattage (c’est l’inverse, et à deux reprises). Il se trompe également quand il affirme que ces mêmes militants ont promis à la Préfète qu’ils allaient partir. En réalité, ils lui ont demandé des assurances écrites qu’ils attendent toujours...

Vers le milieu de sa plaidoirie, Maître Rivierre tourne en rond. Il raille la presse locale qui a fait de l'affaire son feuilleton de l'été. Il évoque une situation absolument « hallucinante », incroyablement irrespectueuse du droit : on n’est plus chez soi ! On ne peut plus faire son barbecue tranquille ! Prends ça, Sandrine Rousseau !

Vers la fin, l'avocat fait son mea culpa : il admet n’avoir pas indiqué le bon fondement juridique de son assignation en référé-expulsion. Mais ce n'est pas le plus important, dit-il… Quand même… Le public s’étonne de l’entendre admettre que la protection des marronniers est un beau combat légitime. Ah, s’il n’était pas entaché par une occupation illégitime ! Il conclut en faisant le serment que le promoteur ne touchera pas aux arbres tant que les procédures en justice ne seront pas terminées.

Maître Bruno Galy attaque bille en tête l’avocat du promoteur bétonneur : « Le droit que vous invoquez date du XIXème siècle. Vous avez du mal à comprendre que les temps ont changé. Moi, je défends d’autres valeurs. Le droit d’aujourd’hui, c’est la Charte de l’Environnement ! Sauver les arbres, c’est faire respecter la loi, la constitution, tout simplement. Philippe Bourguignon est dos au mur à cause de son projet immobilier bancal que la justice administrative a commencé à retoquer en suspendant l’abattage, en attendant d’examiner d’autres recours. » Et de demander solennellement à la Présidente de placer les trois marronniers sous sa protection dans le prolongement de l’action menée par les militants.

Maître Galy enfonce le clou en fustigeant le prétendu trouble manifestement illicite. « Les gens qui occupent le terrain sont des gens pacifiques. Tout est parfaitement préservé, entretenu, sauvegardé. On leur reproche d’avoir empêché, le 22 août dernier, la violation de la loi quand le promoteur a voulu faire abattre les marronniers. C’est ça la réalité des faits ! Ils ont fait oeuvre utile en protégeant les arbres. Pas de vol, pas de violation de domicile (parce que ce n’est pas le domicile du promoteur !). Aucun délit. » Il ose le parallèle avec le combat légitime des ouvriers victimes de patrons voyous, qui occupent leur usine afin de préserver leur outil de travail. Et de demander 200 000 euros d’astreinte par arbre qui serait élagué ou abattu par le promoteur. La somme est énorme, mais pourquoi s'en inquiéter dans la mesure où le promoteur s'est engagé à ne pas toucher aux marronniers ?

Maître Sandra Renda se charge de porter l’estocade : « Les trois marronniers sont protégés par le Plan local d’urbanisme. Ils sont des éléments importants du patrimoine de la ville. En plus, ils ne sont pas dangereux tant qu’on les laisse tranquille. Ils ont un droit de propriété. Or, la ville et la préfecture s’étaient concertées pour autoriser le massacre à la tronçonneuse, et le promoteur n’a pas respecté la règle d’affichage de l’arrêté d’abattage. Le 22 août 2022, des citoyens respectueux du droit ont empêché ce massacre programmé. Que justice leur soit rendue !

Maître Renda se livre ensuite à un cours de droit : non seulement le camp d’en face s’est trompé sur le fondement juridique pour formuler son assignation, mais celui-ci semble en plus ignorer que la procédure d’expulsion ne concerne pas des personnes morales (que sont les associations Sykadap et Chartres Écologie), mais uniquement des personnes physiques. D’après la jurisprudence et la loi, chacun est seulement responsable de ses propres actes. En conséquence, les deux associations ne sont pas responsables des agissements de leurs membres. Le fait est que l’huissier n’a pas été capable d’identifier les citoyens sur le site des marronniers... Dès lors, comment va-t-on faire pour expulser des gens inconnus ? Le comble a été la délivrance des assignations aux sièges sociaux des deux associations, et non pas sur le site des marronniers censé être occupé illégalement par celles-ci !

Enfin, la conclusion de Maître Renda pointe les intérêts communs entre le promoteur immobilier et la Ville de Chartres par l’intermédiaire de la SEM Chartres Développements immobiliers (présidée par la 1ère adjointe au maire). La Présidente prend des notes. Beaucoup de notes. Elle rendra sa décision le 26 septembre prochain. Dans deux semaines.

Légende photographique : quand l'orage menace le projet immobilier du promoteur Philippe Bourguignon et son associée la SEM Chartres Développements immobiliers...