Ce début d’été 2019 sonne comme un rappel à l’ordre : quarante degrés et plus dès la fin juin. C’est inéluctable, on va cuire. On a beau le savoir, et depuis longtemps, il faut être au pied du mur, ou à l’aplomb du soleil, pour se convaincre enfin d’agir collectivement sans délai. Mais où ? Comment ? Dans quelles instances ? Et si la commune était à bonne hauteur et à bonnes dimensions pour rapprocher les citoyens au moment où il faudra prendre des mesures qui sont de nature à bouleverser les habitudes pour le bien de l’humanité ?

Il faut bien dire que, où que l’on tourne son regard, c’est affolant : au niveau européen, on suppose que la canicule ne franchit pas les serres climatisées et végétalisées où prospèrent les décideurs. Tractations sans âme d’après élections en vue de la répartition des postes dirigeants, confusion entretenue au sujet de l’interdiction du glyphosate, entêtement productiviste illustré par le retour du CETA et le MERCOSUR. A l’échelle internationale, c’est pire : une sorte de jeu vidéo sinistre, orchestré principalement au Proche-Orient et dans le Pacifique par des demi-fous. L’armement bat son plein sur la planète. Partout, pour soutenir ce jeu pervers d’échanges et d’affrontements, le chantage à la croissance et à l’emploi, qui marche, y compris dans nos démocraties, les dernières.

Où trouver refuge au sein d’un tel chaos, construire quand même, sinon dans le pré carré, dans la dimension locale, celle où l’on vit, dont on connaît un peu les acteurs ? Parmi eux, les héroïques, ceux dont le travail nourrit la collectivité, tisse le lien social, fait de la ville et de l’agglomération un espace vivable, parfois même agréable. On ne saurait trop rendre grâce à ceux qui font vivre ces lieux de sociabilité, artisans et commerçants de proximité, des marchés, par grand vent froid et par temps creux, répondant présents quelle que soit la concurrence du système de la grande distribution, augmentée désormais du numérique. Nul doute que, lorsque les choses se gâteront, que les grandes pannes de production et d’approvisionnement se produiront, c’est sur eux que nous pourrons compter. Cette alerte, elle n’est pas ici inventée pour dramatiser : des chercheurs très sérieux, lucides et pondérés, l’ont exposée ; ils ont nom, pour les plus limpides, Pablo Servigne, Aurélien Barrau, et leurs conférences et interviews sont faciles à trouver, ainsi que les livres qu’ils ont écrits. A l’heure où, de plus en plus souvent, le bitume brûle très fort et devient irrespirable, où les moteurs automobiles rendent insupportable la chaleur supplémentaire et rosissent l’horizon de dioxyde de carbone, on se rappelle que l’abîme guette. Le GIEC rappelle régulièrement son compte à rebours : nous reste-t-il dix ans, ou moins, pour inverser la tendance ? Il a aussi démontré que la désertification est depuis longtemps à l’oeuvre, avec ses corollaires : inondations, tsunamis, et pas seulement dans le sous-continent indien. Bref : face à ces lancinants constats, chacun est invité à retrousser ses manches.

Or, voilà que le calendrier électoral offre une ouverture : les municipales ! On n’osait en rêver. La possibilité d’élire parmi nos concitoyens des êtres qui ont compris l’enjeu, de se choisir des édiles responsables et résolus, diplomates, aussi, car il faudra gagner à cette cause écologique vitale le plus grand nombre. Qui est prêt ? Cela vous intéresse ? Tout le monde peut – on n’ose dire : doit – participer. Avec un peu de chance, le péril climatique qui va se précisant fera exister cette démocratie participative comme un recours ultime. Bien des villes, bourgs ou villages ont d’ailleurs déjà commencé, et nous en connaissons tous, enviant leurs expériences partout reconnues ; quelques noms : Ungersheim , Puits Saint-André, Langouët, Grenoble, Grande-Synthe, …

Nul doute qu’à Chartres nous soyons nombreux à aspirer à une ville autre : solidaire, rassembleuse, intelligente, où les réformes seraient menées en conscience, inscrites dans un monde perdu et dangereux, un pays hésitant, au gouvernement fluctuant et peu fiable, mais qu’il est possible de mettre par le vote devant le fait accompli. Pas question de mourir, simplement.

Chantal Vinet