Jean-Marie Rouart est un personnage de la littérature et de la presse française. Originaire d’une famille de peintres, il s’illustre dans sa jeunesse par ses grandes difficultés à s’accoutumer aux exigences de l’enseignement prodigué après-guerre. Peu enclin à se familiariser avec son environnement, Jean-Marie Rouart est une sorte de mouton à cinq pattes dans le monde de l’apparence et du jeu de pouvoir. C’est ce qu’il nous révèle dans son dernier livre Mes révoltes.
A l’automne de sa vie, l’Académicien revient sur un parcours fait de haut et de bas, de déception et d’enthousiasme. Très tôt, le jeune Jean-Marie voue un culte sans fin à la littérature. Il savoure avec une gourmandise inégalée les grands auteurs qui le font voyager dans le temps et l’espace et surtout loin d’un quotidien qui l’assomme au plus haut point. Avec la sincérité qui le caractérise, Jean-Marie Rouart relate ses années de bachelier et d’études supérieures où rien ne va si ce n’est son envie d’écrire son premier roman. Et du côté de la littérature, là aussi, rien n’est simple. Les refus des éditeurs se multiplient jusqu’à la parution de son premier roman en 1974. Avant de rencontrer le bonheur d’être publié, Jean-Marie Rouart va succomber à l’appel de la presse et notamment au Figaro à une époque où de grands noms et des personnages interlopes se côtoient dans les salles de rédaction.
Dans ces années 60 et 70, la presse est influente et constitue un réel quatrième pouvoir. Les journalistes connaissent bien leur travail et maîtrisent la langue française jusqu’au bout du stylo et des doigts pour ceux qui écrivent à la machine. Dans ce monde si particulier, Jean-Marie Rouart est sous la protection de Jean Griot. Il côtoie entre autres Raymond Aron qu’il n’apprécie guère. Parti en 1975 après le rachat du titre par Robert Hersant, dit le papivore, il reviendra quelques années plus tard diriger les pages littéraires du Figaro. Une rencontre sera déterminante. C’est celle avec le célèbre et adorable Jean d’Ormesson, plus affectueusement appelé Jean d’O.
Au fil des pages, Jean-Marie Rouart dresse un portrait sans concession de l’écrivain du bonheur tout en lui vouant une admiration et une amitié sans borne. Partageant le goût des bons mots et de la répartie avec Jean d’O, l’Académicien goûte un plaisir sans modération aux joutes verbales qui font le sel de la connaissance et de l’élévation de l’esprit. Jean-Marie Rouart, c’est aussi un homme de combat dont le plus célèbre est la défense d’Omar Raddad qui dira de son indéfectible soutien : « Rouart ne m’a pas défendu, il a défendu la justice, il a défendu la France ».
Jean-Marie Rouart est un Ovni dans le parisianisme tel qu’on l’entend. Mais c’est aussi un Ovni tout court dans le monde des humains.
Pascal Hébert
Mes révoltes, de Jean-Marie Rouart, éditions Gallimard, 277 pages, 20 €.