Démêlons le vrai du faux en douze affirmations.

Aussitôt le permis de construire accepté pour la construction de 37 + 38 logements en lieu et place du bâtiment de la Chambre de Métiers et d’Artisanat, boulevard de la Courtille à Chartres, trois somptueux marronniers situés en fond de parcelle ont fait l’objet d’une déclaration préalable pour coupe et abattage. Une autorisation de non-opposition à l’abattage a été délivrée par la Ville de Chartres. Problème : le permis est contradictoire puisqu’il précise la protection des trois marronniers contenus sur un espace boisé classé. L’association Chartres Écologie a décidé de porter un recours gracieux contre cette décision de la ville, et de rendre publique cette affaire via une conférence de presse commune avec l’association Sykadap, en plein mois d’août.

1. Le promoteur est propriétaire du site.

Vrai et faux. Il s’agit d’une co-promotion immobilière. Le projet est porté par une société créée pour l’occasion, la « SCCV 24 Courtille », dont le capital appartient pour 60 % à la société de promotion de M. Philippe Bourguignon, et pour 40 % à la SEM Chartres Développement Immobilier, dirigée par Mme Fromont, première adjointe au Maire de Chartres.

2. L’autorisation d’abattage a été délivrée par Madame Dorange.

C’est vrai. Madame Dorange est adjointe à l’urbanisme de la ville de Chartres. C’est également elle qui a signé le permis de construire. Le problème : madame Dorange est également administratrice de la SEM Chartres Développement immobilier, ce qui peut laisser supposer un potentiel conflit d’intérêt. Enfin, l’autorisation aurait dû être affichée sur le site mais cela a été … oublié ! L’affichage commençant fin août, le promoteur n’avait en aucun cas le droit d’intervenir pour abattre les marronniers situés dans un espace boisé classé.

3. Les marronniers ont 41 ans, ils ont été plantés en 1981.

Non, c’est totalement faux. Cette affirmation du promoteur est mensongère. Des photos aériennes historiques ont été analysées. Elles montrent depuis 1925, et à intervalles de temps réguliers, la présence du même houppier, la même frondaison à cet endroit précis. Cette analyse est corroborée par l’expertise de François Roumet, de l’École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles, qui estime que les arbres ont respectivement plus de 150 ans pour le plus imposant, environ 100 ans pour le second, et environ 40 ans pour le troisième. On parle donc d’arbres patrimoniaux, d’arbres remarquables. Le plus grand mesure environ 25 mètres de hauteur et 3,70 mètres de circonférence (à 1,30 mètre du sol). Un géant à contempler.

4. Les trois marronniers sont dangereux, il est normal de les abattre.

Non, c’est faux. L’expertise de François Roumet montre au contraire une belle vigueur, une grande résistance à la sécheresse et une parfaite implantation en pleine terre. Ils ont été élagués jeunes, ce qui leur a permis d’avoir un port haut, et un bon équilibre. Ils peuvent faire encore au moins 100 ans « si on les laisse tranquille ». De son côté, le promoteur vient de rendre publique une « expertise » (datée du 29 août 2022 !) signalant la dangerosité des sujets et la logique d’abattage. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage !

5. Les gens qui occupent le site sont des « squatteurs ». Des zadistes qu’il est normal de déloger.

C’est totalement faux. Quelques jours après la conférence de presse, les tronçonneuses ont résonné sur le site, des arbres ont été abattus, dont certains âgés d’une soixantaine d’années. La venue immédiate sur place de citoyens et membres d’associations a permis de sauver les trois marronniers. La décision a donc été prise de se relayer pour assurer une présence permanente sur le site pour éviter le massacre, à l’arrière de la Chambre de Métiers, sans impacter ni l’activité économique de la Chambre, ni les riverains. Les citoyens, étudiants, actifs (professeurs, employés, architectes, médecins, artistes, ingénieurs…), retraités chartrains s’organisent sur leur temps libre pour se relayer sur place. Ils sont motivés uniquement par la sauvegarde des arbres centenaires : ils défendent l’intérêt général de leur protection contre l’intérêt particulier de la SEM Chartres développement immobilier et du promoteur.

Les personnes présentes dorment dans des tentes « 2 secondes » posées à même le sol. Ils n’ont pour seul confort qu’une palette récupérée en guise de table et un banc constitué de quelques morceaux de bois assemblés. Il n’y a pas de nuisance sonore. Le site est parfaitement propre, à tel point que des toilettes sèches ont même été installées provisoirement. L’occupation est irréprochable et s’inscrit dans un esprit de respect et de non-violence. Les riverains soutiennent cette action, et se rendent sur place régulièrement pour soutenir ce mouvement. Café, croissants et autre victuailles sont régulièrement apportés pour encourager ceux qui passent du temps pour répondre à un enjeu supérieur : la protection du patrimoine naturel et du cadre de vie.

6. Des riverains ont porté un recours contentieux devant les tribunaux.

C’est vrai. Et il faut les remercier. Deux recours ont été portés par des riverains directs du site contre le permis de construire et la non-opposition à la demande d’autorisation d’abattage. Un référé suspension a même été rédigé par les riverains victimes pour faire en sorte d’éviter l’abattage dans la précipitation, comme le promoteur souhaitait le faire alors même qu’un défaut d’affichage est acté. La justice rendra sa décision à compter du 5 septembre.

7. S’ils sont déboutés par la justice, les occupants libèreront le site pour laisser les arbres se faire abattre.

C'est faux. Les occupants sont déterminés et sont prêts à s’opposer passivement de par leur présence et à grimper dans les arbres s’il le faut. L’action vise à sensibiliser et à éviter le pire. Elle vise à assurer la protection du patrimoine vivant, y compris si les autorisations d’abattage sont jugées légales, elles ne sont pas fondées et il peut être d’intérêt général de « désobéir » pour protéger trois arbres patrimoniaux.

8. Une réunion a été organisée en préfecture en présence de Madame la Préfète.

Oui, c’est vrai. La demande a été initiée par les associations, et acceptée par la Préfète. Le 26 août, étaient présents La Préfète, son chef de cabinet, le directeur départemental des territoires, Madame Dorange, les directions de la sécurité territoriale et les associations de défense de l’environnement. Les deux parties ont campé sur leurs positions. Madame Dorange, identifiée comme représentant le promoteur, a fustigé le manque de professionnalisme de ce dernier  par l’absence d’affichage en règle. La Préfète a affirmé qu’il faut se réjouir de la promotion immobilière qui permet d’accueillir des populations venues d’Ile-de-France qui participent à l’enrichissement du territoire. Rien sur l’intérêt général de la nature en ville, alors même que le gouvernement porte un plan de plusieurs milliards d'euros en faveur de la renaturation des villes. La préfète s’est néanmoins engagée à ne pas faire intervenir les forces de l’ordre tant que la justice ne se serait pas prononcée.

9. La Ville de Chartres est responsable de cette situation.

C’est vrai, et à plusieurs titres. D’abord, la ville de Chartres dispose d’un plan local d’urbanisme (PLU) voté par la même majorité municipale en 2016, très permissif en matière de constructibilité. C’est depuis ce PLU que les promotions immobilières ont été multipliée partout dans la ville, offrant un tapis de béton à la place du tapis d’arbres et d’espaces verts sur les propriétés privées. Les parcelles peuvent être imperméabilisées à 100 % sans aucune obligation de vrai jardin. Ensuite, la ville a mis en place plusieurs SEM pour favoriser ce type d’opérations, toutes dirigées par les adjoints au Maire de Chartres. Enfin, c’est la ville qui délivre les autorisations d’urbanisme, toujours en faveur des promoteurs. M. Gorges, Maire de Chartres, et son équipe ont donc tout fait pour favoriser la promotion immobilière à Chartres, sans jamais prendre en compte le patrimoine arboré. Cet acte est volontaire et déterminé, sans jamais prendre en compte l’environnement, ni le cadre de vie des riverains. C’esrt peut être ce qui explique le mutisme de la ville depuis le premier jour dans cette affaire.

10. « La ville de Chartres plante 1 000 nouveaux arbres ».

C’est faux. En pleine affaire des marronniers, la Une du magazine municipal Votre Ville de septembre 2022 résonne comme une provocation pour les défenseurs des arbres. D’une part les arbres replantés sont souvent très jeunes et chétifs (sur le site riverain des trois marronniers), ils sont nourris à l’arrosage artificiel, consommant beaucoup de la ressource en eau, problématique lorsque comme cet été, l’eau devient rare, voire quasi épuisée quand un arrêté de crise a été pris, la ville a demandé une dérogation, et il n’est pas garanti qu’ils atteignent une taille adulte dans les conditions climatiques qui s’annoncent de plus en plus sèches. Parallèlement, à l’image des trois marronniers, la Ville laisse couper des arbres de hautes tiges implantées depuis des dizaines voire des centaines d’années, de nombreux exemples dans la ville, certains traumatisant tout un quartier (parc arboré de l’ancienne clinique Bon-Secours transformé en parking). Enfin parmi les arbres plantés, la grande majorité l’est « en pot » ou sur dalle, impossible qu’ils connaissent un développement normal. 1 000 arbres plantés ne remplaceront pas des arbres centenaires abattus. On ne remplace pas du patrimoine par une brindille dans un pot de terreau. Il s’agit de « greenwashing », d’effet de communication. 1 000 arbres plantés en six ans (quand le village voisin de Gasville en plante 6 000 en deux jours en janvier 2022 https://www.lechorepublicain.fr/gasville-oiseme-28300/actualites/la-premiere-foret-dense-eurelienne-est-plantee-a-gasville-oiseme_14074935/)

À titre d’exemple, Niort en plante 60 000 pour 60 000 habitants d’ici 2030 (8 000 depuis 2019), ou Blois (40 000 habitants) qui plante en mars 2022, 3 700 arbres pour une micro-forêt en centre-ville.

11. Toute l’action est menée par Chartres Écologie dans un but politique.

C’est faux. L’action est menée autant par l’association Sykadap, que par l’association Chartres Écologie, que par des citoyens et riverains sensibles au sort des marronniers, et plus généralement du patrimoine arboré chartrain massacré depuis trop de temps. L’été caniculaire et les perspectives catastrophiques, annoncées par les scientifiques internationaux du GIEC notamment, renforcent la conviction qu’il faut préserver les arbres et les oasis de fraîcheur qui nous permettront d’adapter la ville à un avenir vivable. Lors de la conférence de François Roumet, le 31 août, les Chartrains s’étaient massés pour l’écouter. La presse se trompe lorsqu’elle évoque la centaine de « militants », la plupart des gens présents au pied des magnifiques marronniers étaient des citoyens inconnus des associations. La sensibilisation est forte auprès du grand public : la pétition (Change.org/marronniers) visant à sauver les trois marronniers approche les 10 000 signatures en dix jours. Une véritable révolution dans la capitale beauceronne.

12. Le promoteur a cadenassé le site, séquestrant une trentaine de citoyens.  

C’est vrai. Ça parait irréel, et pourtant c’est bien vrai. Vendredi 2 septembre en soirée, le promoteur, accompagné de serruriers, est intervenu pour verrouiller le site, alors même que des citoyens étaient sur place, et cela sans attendre la décision de justice. Dans le calme et avec l’aide de la police, le site a été rouvert pour la sécurité des citoyens enfermés, puis bouclé à nouveau définitivement.

Olivier Maupu, conseiller municipal Chartres Écologie.