Le dernier livre d’Eric Fottorino est une performance littéraire comme on les aime. Rien à voir bien évidemment avec celle de Marina Abramovic, qui donne son nom à ce roman, mais tout de même… Dans ce livre où l’extrême artistique de Marina vient titiller le confort d’un homme installé, la vie prend un nouveau sens. Eric Fottorino, avec habileté, vient nous questionner sur l’autre et nos rapports avec nos semblables. Comme le fait si bien Marina Abramovic dans ces performances où l’instabilité est le maître mot.

Pour le docteur Gachet, le Noël 2018 aura une drôle de saveur. Parti en vacances avec femme et fille à Florence, il ne se doute pas que ce voyage touristique et artistique lui fera prendre un autre virage. Si la famille semble enthousiasmée par la découverte des Botticelli et de tous les charmes que renferme cette magnifique ville de Florence, elle se heurtera à la vision dans les rues d’une performance insolite de la fameuse Marina Abramovic. Les Botticelli ne feront pas concurrence aux œuvres de cette mystérieuse Marina A. Qui est-elle d’ailleurs ? Quel est son message ? Pourquoi maltraite-t-elle son corps ? Ce sont bien ces questions, comme une obsession, qui guideront ensuite ce chirurgien. Le docteur Gachet verra chaque explication par le prisme d’une œuvre de Marina Abramovic.

Si la violence se dégage à première vue, dans un premier temps, Marina exprime un acte de communication essentiel, vital ou l’autre prend toute sa place dans une harmonie artistique qui fascine celui qui regarde, découvre et comprend.

Habité par Marina, le docteur Gachet tombera par hasard deux années plus tard sur une photo de l’artiste avec son compagnon Ulay, s’intitulant L’impossible rapprochement. Ce cliché symbolise deux êtres tentant de se toucher mais sans jamais y parvenir. A l’heure où la pandémie s’invite dans la vie sociale de toute la planète, cette photo est annonciatrice de ce que l’humanité vit en 2020. On ne peut se toucher, ni s’embrasser. Il faut se protéger et protéger les autres. A l’heure où la planète a pris un nouveau virage, il est temps d’arrêter de se regarder le nombril et de penser un peu plus aux autres. Dans un monde où l’individualisme a été monté au pinacle, ce retour à un peu plus d’humanité et de solidarité est sans doute le point positif de cette crise sanitaire.

Pascal Hébert

Marina A,  d’Eric Fottorino, éditions Gallimard, 165 pages, 16 euros.