Ça devient une habitude : à chaque fois que la municipalité chartraine coupe un arbre, elle se sent obligée d'expliquer qu'elle lave plus vert que les Verts. Souvenez-vous du luxueux - mais néanmoins grotesque - livre cartonné distribué à l'ensemble de la population pour tenter de faire oublier la calamiteuse histoire des marronniers...
Ça n'a pas raté, cette fois, le bulletin officiel de propagande de J'Empierre Gorges (le mal nommé "Votre Ville", il devrait songer par souci d'honnêteté à appeler ça "Mon chantier"), édition de novembre, se transforme en leçon de greenwashing pour les nuls, les très nuls même. On y explique ainsi à qui veut l'entendre que la majorité n'a de cesse que de (re) planter des arbres...
On peut méditer sur le caractère un peu tordu du procédé : pourquoi abattre des arbres pour les replanter ensuite ? Tant de communes mènent leur chantier de rénovation urbaine en protégeant le patrimoine arboré commun.
On peut aussi se demander combien de vénérables pourvoyeurs d'ombre abattus, pour être "remplacés" par de piètres ersatz en pot, par des squelettes façon tapette à mouche (les choses qui, tant bien, que mal survivent (ou pas) place des Halles) ? On finit toujours par se demander : où sont les arbres ? Où sont les soit-disant 4 000 arbres plantés par la municipalité, mais où donc se trouve cette forêt ?
Je ne l'ai pas trouvée, l'Institut géographique national (IGN) non plus. Le site mondiagartif, produit par l'Institut, raconte une toute autre histoire, beaucoup plus proche de mon expérience, celle d'une ville en voie de pétrification. Le site donne en effet accès aux données d'artificialisation des sols. Le constat est sans appel :
Sur la période 2011-2022, 62 hectares ont été artificialisés sur la seule commune de Chartres. Cette artificialisation est bien le résultat de la politique de notre climatosceptique en chef, soit directement du fait des travaux menés par la Mairie, soit parce qu'elle laisse libre court à l'appétit des promoteurs immobiliers. En à peine plus de dix ans, ce sont donc l'équivalent en surface, de 80 stades de football qui se sont trouvés bétonnés, pour une commune centre déjà bien bâtie.
Il n'est pas prêt de s'arrêter. Rappelons les projets les plus emblématiques : le bétonnage à venir du parvis de la cathédrale avec abattage des derniers arbres subsistants, le parc de la Madeleine, exemple inédit d'un parc public cédé à des promoteurs, ou, dans un genre plus loufoque, le projet de transformer la butte des Charbonniers en parking souterrain (gageons que si le projet devait voir le jour, les magnifiques platanes seraient rapidement victimes d'une soudaine et inexplicable maladie les condamnant à être abattus).
Il n'y a pas que l'IGN qui a l'outrecuidance de démentir J'Empierre. Les IA si chères à notre tronçonneur de nuit s'y mettent aussi. Kermap, une startup rennaise spécialisée dans l'analyse automatisée par IA d'images satellite, a mis en ligne un site baptisé nosvillesvertes.fr, qui classe les villes selon des critères de végétalisation. Chartres arrive 826ème sur 894 villes de population équivalente... J'en rirais si je n'y habitais pas.
Allez, J'Empierre, encore un effort pour devenir un VRAI écolo !
Take the only tree that's left and stuff it up the hole in your culture Leonard COHEN, The Future, 1992.
Eric Wolff