La première semaine de Chartres métropole sous l’ère Trump. Mercredi 22 : Elon Musk réorganise les services.
L’interview à laquelle je réponds à une journaliste de France Inter me permet de plonger dans le projet de réorganisation par l’intelligence artificielle des services mutualisés de Chartres Métropole et de la ville : accueil téléphonique du public par robot conversationnel, lecture et réponse automatisées aux sollicitations écrites des administré.es et encouragement des agent.es à recourir aux logiciels de type ChatGPT pour rédiger leurs notes et rapports. Les arguments du maire-président en la faveur de cette numérisation à marche forcée (même pas soumis au vote des élus, ce tournant aurait mérité un référendum local) sont les suivants :
- économies financières par la réduction du personnel (la base),
- recentrer les agent.es sur les missions intéressantes : répondre de façon personnalisée et attentive aux publics les plus divers serait-il une corvée ?
- les services automatisés seront accessibles 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 : le signal que rien ne doit jamais s’arrêter, fonctionner, consommer, s’agiter sans répit, encore le signe de l’accélération du monde vers le chaos. A partir de cette habitude, on risquera de ne plus comprendre que les rares services qui seront encore rendus par de vraies personnes ne soient pas assurés en permanence : quelle pression pour celles et ceux qui resteront !
Jeudi 23 : tout va très bien, madame la marquise !
Deux sujets principaux à l’ordre du jour du conseil communautaire :
- STRATEGIE EAU POTABLE : suite à mon intervention soulignant la qualité du travail de diagnostic ne cachant rien de la gravité des enjeux de quantité et de qualité de l’eau potable, le président contredit le travail des services de l’agglo. En effet, il nie en bloc et face caméra les risques accrus de difficultés d’accès à l’eau potable (« H2O est un élément en quantité finie infiniment renouvelable autour de la planète ») et les problèmes de pollution et de santé publique le lendemain de la parution dans la presse nationale de dossiers accablants notamment pour notre département. Malgré la lucidité du diagnostic, Chartres Ecologie s’abstiendra pour protester contre la faiblesse des moyens déployés pour les acquisitions foncières permettant de maîtriser l’usage des sols dans les zones de captage d’eau : 500 000 euros en cinq ans (24 fois moins de budget que pour aménager le siège de la Cosmetic Valley au profit entre autres de l’Oréal et LVMH…) pour atteindre 0,7% des aires de protection identifiées. Nous rappelons qu’un territoire sans eau potable est inhabitable et que l’habitabilité est le socle de l’attractivité, n’inversons pas les priorités.
- DOCUMENT D’ORIENTATION BUDGETAIRE : après quelques perles habituelles telles que « les EHPAD, ça n’est pas ma tasse de thé » et un nouveau plaidoyer pro-nucléaire relativisant les enjeux de sobriété énergétique au lendemain du rapport accablant de la Cour des Comptes au sujet des projets d’EPR, J-P. Gorges s’interroge sur les nouveaux projets à imaginer pour maintenir le niveau d’investissement actuel… Il révèle enfin avec une gourmandise enfantine : la piscine des Vauroux est trop petite, je prévois 80 millions pour implanter sur le site deux grands bassins inox !
Lundi 27 : des vœux testostéronés
Les vœux du président de Chartres Métropole attendaient 3 500 invités. 3 000 ont fini par se réunir à l’Iliade après avoir franchi l’épreuve des bouchons auto(im)mobiles à la sortie de la rocade. Les premiers arrivés étaient mal récompensés car ils ont dû attendre 1h15 avant que se fasse le noir dans la salle où les écrans géants donnèrent à voir les exploits cyclistes du président. Doublé par un cascadeur à pédales revêtant casque et costume identiques, J-P. Gorges se met en scène sur les sites emblématiques de ses projets avec moult sauts, roues arrières et descentes d’escaliers avant de grimper dans la charpente métallique du parc des expos dont il descend finalement accroché à un filin motorisé pour nous arriver en chair et en os, toujours casqué, pour se positionner derrière son pupitre ! Il faut le voir pour le croire :
https://www.facebook.com/ChartresMetropoleOfficiel/videos/974867947305728
Après un poil d’autosatisfaction personnelle, on passe ensuite au discours habituel de glorification chauvine au titre de l’attractivité du territoire, comme si rien n’avait changé depuis des décennies, un aire de trente glorieuses dopées au nucléaire et à l’intelligence artificielle, au mépris de toute limite planétaire ou sociale… Florilège :
- « A fond en 2024, on accélère en 2025 »
- « Un grand économiste m’a confié que le cataclysme financier national n’allait pas tarder, mais que Chartres était à l’abri »
- « On songe à un pôle universitaire pour les besoins de la Cosmetic Valley et du médicament mais grâce à nos équipes de haut niveau en hand, basket et volley toute la France pense déjà que Chartres est une ville universitaire »
- « Il faut que j’attende mon cinquième mandat pour voir se réaliser l’autoroute A154, projet qui date de 2002 : rendez-vous compte des lenteurs administratives ! ».
Là encore, c’est le règne de la post-vérité à la Trump : le projet n’a pas 20 ans, mais 40, et il consommera 750 hectares d’espaces agricoles et naturels. A quoi bon se vanter alors juste avant de prolonger le « plan vert » jusqu’à Maintenon au nom de l’accès à « la nature » ?!
Vite, tourner les talons et rejoindre tous ceux qui réfléchissent à un avenir vivant, solidaire et durable pour qu’ici à nouveau l’habitabilité heureuse et coopérative remplace l’attractivité compétitive qui épuise nos corps, nos âmes et notre cadre de vie.
Jean-François Bridet
Illustration signée Ezk streetart
@ezkstreetart (instagram)