Julia Cagé est professeur d’économie à Sciences-Po, elle s’intéresse particulièrement à l’économie des médias et au financement de la démocratie. Elle est par ailleurs engagée dans la SDL, société des lecteurs du journal Le Monde et aussi compagne de Thomas Piketty, économiste-chroniqueur régulier de ce quotidien.
Cette période de pandémie et de crise sanitaire, a été l’occasion de nombreuses atteintes à la démocratie, Julia Cagé en profite pour faire des propositions radicales pour améliorer son fonctionnement. Elle affirme que la citoyenneté doit s’exercer dans toutes ses dimensions : politiques, économiques et sociales et que pour ce faire elle doit disposer d’une information libre et multiple. A contrepied du gouvernement qui déplore un peuple gaulois réfractaire au changement, elle déclare que « c’est l’oligarchie au gouvernement qui s’accroche aux formes anciennes du pouvoir. »
Si les citoyens se détournent des urnes, ce n’est pas par refus de la démocratie, mais plutôt que sans finances, ils n’ont aucun moyen de se faire entendre. Elle remarque que les élus gouvernent trop souvent de façon personnelle et autoritaire employant dans chacune de leurs interventions le « moi,moi,moi ou le je, je, je » et rappelle que l’intelligence collective dépend de sa diversité.
Julia Cagé dénonce le système oligarchique actuel, mais n’entend pas sortir des institutions de la république, et propose de profondes réformes. Elle fait une série de propositions pour améliorer le système politique en vigueur aujourd’hui, par exemple en rendant obligatoire des primaires délibératives ouvertes pour l’ensemble des partis. Pour l’organisation des campagnes électorales, elle propose des BED, Bons pour l’Egalité Démocratique, financés par l’Etat. « Libres et égaux en voix » est aussi un plaidoyer pour l’égalité, ainsi chaque parti devrait présenter 50% de femmes et 50% de candidats ouvriers, employés, précaires ou chômeurs.
L’indépendance des médias est un autre aspect essentiel de la démocratie. Elle affirme que l’audiovisuel public produit un « bien public » indispensable au bon fonctionnement de la démocratie et qu’à ce titre il ne doit pas être abandonné aux seules lois du marché et accaparé par de riches propriétaires de multinationales. La méfiance croissante des citoyens à l’égard des médias s’explique en grande partie par un sentiment d’abandon et la certitude que les lobbies sont de plus en plus puissants. Pour y remédier, l’auteur propose un financement public et transparent des médias par des BIM, Bons pour l’Indépendance des Médias, qui mettraient un terme aux subventions occultes qui existent actuellement pour le soutien de la presse.
Cet essai est très accessible pour un non spécialiste en économie et particulièrement intéressant pour ses réflexions sur la démocratie. A recommander sans réserves.
Julia Cagé, Libres et égaux en voix, Fayard 2020, 245 pages, 19 euros.
Denys Calu