Parce que vous vous acharnez, malgré le triste résultat qui se déploie jour après jour sous nos yeux, à continuer d’asphyxier Notre-Dame de Chartres, comme tous ses riverains et ses visiteurs, en déployant un désert minéral à ses pieds.
Parce que vous êtes le marbrier en chef, le premier fossoyeur de ce grand chantier d’inhumation, parce que vous appréciez les calembours, je vous désigne aujourd’hui, M. le Maire de Chartres, sous le sobriquet de Jean-Pierre Tombale.
Ce sarcophage de pierre, mais surtout de béton bien épais sans le moindre faux-pli, dissuadera bientôt toute forme de vie d’approcher du sanctuaire. Et parce qu’il ne faut que rien ne dépasse (ici comme au conseil municipal d’ailleurs...), vous avez commandité auprès de porte-flingues tronçonneurs l’abattage nocturne et quasi clandestin (aucun affichage légal n’a été prévu et aucune information n’a été préalablement fournie aux riverains dûment réveillés vers 4 heures du matin) des dix robiniers qui ravissaient le voisinage sud-ouest de la cathédrale.
Avec ce honteux forfait qui a duré quelques minutes, vous nous avez volé, à nous tous les Chartrain.es, de beaucoup plus qu’une part de leur patrimoine. Vous nous avez volé la beauté, l’ombre et la fraîcheur que nos arbres, nos frères, nous apportaient, comme vous nous avez volé le chant des oiseaux qu’ils abritaient. Son exécution nocturne signe le caractère délictueux et amoral de cet abattage. La disparition des souches le surlendemain confirme le forfait, comme s’il fallait nettoyer la scène de crime dans les plus brefs délais !
Vous vous êtes déjà empressé de justifier cette décision en invoquant la sécurité de la population qui aurait été menacée par la chute d’un de ces arbres malades, en vous appuyant sur un diagnostic phytosanitaire réalisé en juin 2021 (qui d’ailleurs ne les qualifiait pas de dangereux). S’ils étaient vraiment dangereux pourquoi ne pas les avoir abattus dès la prise de connaissance de l'information ? Vous avez su prendre une décision similaire lorsqu’il s’est agi des jardins de l’évêché ! Avez-vous sciemment laissé prendre des risques à vos administré.es ? Connaissant votre intransigeance quant à la sécurité, j’en doute…
La vision des souches quelques heures après le crime démontrait en effet qu’une petite moitié des robiniers présentaient un cœur creux. C’est un signe de vieillesse, mais cela n’est pas une maladie et cela n’empêche pas un robinier, surtout conduit en trogne, de bien se porter et de bénéficier de longues années devant lui. En effet, tous les fluides vitaux des arbres circulent dans l’étroite zone située à l’arrière de l’écorce et qui se nomme le cambium… En revanche, il existera un vrai danger vital pour les riverain.es et visitereuses à s’aventurer par temps de canicule (c’est-à-dire de plus en plus fréquemment) autour d’une cathédrale dépourvue du moindre accompagnement végétal !
Le projet ne prévoit pas de remplacer ces arbres dits malades par de jeunes sujets prêts à relever les défis de l’adaptation climatique pour notre grand bénéfice : peu importe l’asphyxie future, c’est la pureté du dessin qui compte !
Deuxième argument de choc : cette disparition serait compensée par des plantations ailleurs ! Il semblerait qu’au crime nocturne s’ajoute l’abus de confiance :
- une vraie compensation serait de commencer par replanter avant d’abattre,
- les sites de compensation prévus (place Morard et ancienne école Gérard-Philipe) se verraient plantés d’arbres venant en réalité remplacer ceux qui y ont déjà été coupés il y a peu, notamment pour faire place aux installations de chantier des bétonneurs !
Il n’est jamais trop tard pour bien ou mieux faire. Un projet peut toujours être modifié tant que le béton n’est pas coulé.
M. le Maire, comme nombre de Chartrain.es de résidence ou de cœur, je vous le demande, arrêtez le massacre : à la suite des fouilles archéologiques, replantez in situ dans un sol vivant les arbres abattus, préservez les vénérables sujets qui occupent l’extrémité nord-ouest de l’esplanade. Ne laissez pas à nos enfants l’héritage d’un cimetière tantôt glacé, tantôt brûlant.
Jean-François Bridet