Guillaume, mon (très) cher député,

Oui, tu m’es cher, car il m’a coûté cher de glisser ton bulletin dans l’urne au second tour des élections législatives et de contribuer à ton élection à l’Assemblée Nationale.

Il m’a coûté fort cher également de ne pas exprimer publiquement entre les deux tours ma frustration de ne pas poursuivre la campagne en troisième semaine et de stopper l’élan militant sans précédent que le Nouveau Front Populaire a fait naître ici en quelques jours. Mais dans la continuité de mon désistement républicain sans délai ni condition, j’ai mis un point d’honneur à ne pas hypothéquer tes chances de battre le Rassemblement national.

En effet, j’ai eu grand peur que ta campagne de premier tour, faite d’insultes et de caricatures à mon égard et à celui du NFP, ne nuise au bon report de nos voix pour contrer le RN : difficile de voter pour qui vous a traîné dans la boue ! Pire encore, tes affiches d’entre deux tours traçaient encore un signe égal entre J-L. Mélenchon et M. Le Pen : envisageais-tu sérieusement de te passer de nos votes ?

Le mensonge n’étant pas dans ma boîte à outils politique, je n’ai pu cacher à celles et ceux qui m’interrogeaient qu’en effet tu n’avais pas eu l’élégance ou la politesse de m’envoyer ne serait-ce qu’un mot de remerciement pour ce désistement. Grandes étaient alors la surprise, puis la colère de mes interlocuteur.ices qui te pensaient détenir ce minimum de savoir-vivre et d’intelligence politique.

Malgré ton mépris et parce que la sauvegarde de la République est sacrée pour le peuple de gauche et de l’écologie, nous t’avons « quoi qu’il en coûte » apporté massivement nos voix pour constituer entre 30 et 40% de ton électorat de second tour.

Pourtant, dimanche soir à nouveau, tout à la joie enfantine de ta victoire et de conserver ce siège et dans l’illusion d’avoir vaincu seul, tu n’as pas jugé nécessaire d’écrire ou de prononcer un mot pour notre électorat, pourtant exemplaire en la circonstance. Peut-être n’as-tu pas trouvé le temps de m’adresser ne serait-ce qu’un SMS de remerciement, trop occupé à griller une cigarette avec Mme Minot et M. Bay, les candidat.es déçu.es de l’extrême droite : tu sais ce que l’on dit de l’épaisseur du papier à cigarette pour qualifier les différences entre idées politiques. Te concernant, je n’ose croire en cette métaphore…

Tu as déjà loupé deux occasions de ne pas nous faire regretter d’avoir contribué à ton élection, cela ne t’aurait pourtant rien coûté. A ce rythme-là, tu as déjà bien approfondi les fissures du front républicain mais il n’est jamais trop tard pour mieux faire. En ces moments troublés, auras-tu par exemple plus de liberté pour reconsidérer ton soutien au projet autoroutier A154 ou bien promouvoir avec nous la taxation des super-profits ?

Afin de ne pas te chagriner, j’ai employé dans ce courrier le tutoiement que tu avais imposé entre nous depuis quelques années. Je croyais que c’était une marque de respect de ta part mais l’expérience de ces trois semaines a révélé mon erreur.

Trop cher député, désormais, je vous vouvoierai.

Jean-François Bridet, candidat Nouveau Front Populaire aux élections législatives.