MOI, JEUNE ECOLOGISTE DE GAUCHE

Bonjour, amis de Cactus, pour me situer en quelques mots, je m'appelle Alexis, je suis né à Chartres, j'ai 29 ans et j'évolue dans le monde de la sauvegarde de la nature et de la réinvention des modèles agricoles, je suis tantôt pépiniériste, maraîcher, éleveur, et bientôt, je l'espère, paysan brasseur.

J'essaie d'ailleurs de trouver un endroit pour installer mon activité en France. Vous pouvez imaginer qu'il serait sans doute plus aisé de chercher à construire un entrepôt de livraison ou un centre commercial que de chercher à produire à petite échelle un produit sain destiné à la consommation locale.

Certains d'entre vous me connaissent, je dessinais dans un coin ou jouais avec vos enfants lors des assemblées politiques auxquelles vous participiez déjà à Chartres il y a une vingtaine d'années. J'ai été élevé dans un environnement politique où se côtoyaient beaucoup de profs, des syndicalistes, des militants de gauche, conscients des problèmes liés à l'écologie et aux inégalités. Je me considère comme étant moi-même radicalement écologiste et profondément de gauche. Je ne suis encarté nulle part et n'ai pas d'attentes démesurées quand les élections présidentielles arrivent, mais je compte quand même aller voter dimanche prochain dans l'intérêt des miens et de la biosphère.

J'aimerais exprimer ici mon choix, car je pense que certaines personnes que je considère comme "les miens" ne vont pas voter dans le même sens que moi et je suis désolé de constater que les éléments qui rendent notre union compliquée sont souvent insignifiants face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Je souhaite partager mon avis pour apporter un peu de contradiction aux futurs électeurs d'EELV et j'espère en le faisant par écrit et de manière bienveillante ne pas nous précipiter dans les éternels débats qui nous opposent les uns aux autres.

ECOLOGIE & MACRONIE

Pour rappeler un peu quels sont les enjeux des élections qui arrivent, prenons du recul sur la situation dans laquelle nous nous trouvons. Les rapports résumés du GIEC font un travail bien plus précis et éclairant, mais je me permets d'offrir une liste non exhaustive des dangers avérés qui nous attendent et ceux dont nous faisons déjà l'expérience.

Notre planète et ses habitants font face à de nombreuses catastrophes d'ordre écologique, et il a été établi avec certitude que les activités humaines étaient à leur origine.

Les océans meurent, les sols sont dégradés, les eaux polluées, les glaciers qui régulent notre climat fondent, les eaux montent et promettent de nombreux mouvements de populations, les températures vont progressivement rendre invivables de nombreuses zones fortement peuplées du globe, les aléas climatiques menacent chaque année un peu plus nos récoltes, les ressources planétaires dont nous avons besoin pour faire fonctionner la machine humaine commencent à manquer ce qui occasionnera toujours plus de conflits, et puisque nous ne sommes pas les seuls concernés, toutes les autres espèces vivantes sont mises en danger par ces changements climatiques, par la déstruction de leur habitat, par notre pollution, et par la prédation que nous exerçons sur elles. Le bilan est catastrophique et les prévisions à court et moyen termes terrifiantes.

De toute évidence, une part majoritaire de l'humanité sous-estime ces annonces et sur-estime les compétences et le dévouement des décideurs censés s'en occuper.

Les dirigeants du monde, étant plus ou moins conscients des risques, se sont mis d'accord sur des objectifs destinés à enrayer le changement climatique et à contrôler les dommages occasionnés par nos activités.

En 2015, à la Cop de Paris, la communauté internationale s'est engagée à faire en sorte que le réchauffement climatique ne s'élève pas au-dessus d'1,5 degrés celsius par rapport au niveau préindustriel, 2 degrés étant considéré comme une limite trop dangereuse à atteindre pour le futur de l'humanité et la préservation de ce qui vit sur Terre. Depuis, les gouvernements peignent en vert leurs programmes en pointant leurs voisins du doigt quand leur est reproché la timidité de leurs engagements.

En octobre 2021, l'Etat français a été condamné pour manquement dans la lutte contre le réchauffement climatique et non-respect des accords de Paris. La raison pour laquelle ni l'Etat français ni aucun autre n'a pu respecter les accords de Paris c'est que nos systèmes humains reposent sur un impératif de croissance qui est en contradiction avec notre besoin de ne plus exercer ce rapport de prédation à notre planète.

Tant que l'organisation humaine ne changera pas de paradigme, nous ne pourrons pas stabiliser notre empreinte écologique et nous continuerons à polluer, détruire et piller les sphères que nous habitons.

PRESIDENTIELLES 2022

Pour ceux qui partagent ce constat et comprennent donc les enjeux liés à l'élection de nos dirigeants dans le virage à effectuer, il est temps de jeter un oeil à notre paysage politique. Les partis qui proposent de s'adonner à la tâche de ce grand virage écologique sont Europe Ecologie Les Verts et La France Insoumise.

Le RAC (Rassemblement Action Climat) qui a étudié les programmes des candidats les considère comme les meilleurs élèves, ayant tous deux un programme très ambitieux et très complet. Roussel du PC arrive loin derrière en troisième place et les autres suivent.

Les instituts de sondages, dont le travail est relayé quotidiennement par les médias dominants, nous annoncent que nous pouvons nous attendre à un deuxième tour qui opposerait Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Comme il y a cinq ans. Il y a cinq ans, l'urgence climatique était déjà là, le mandat du président actuel a été désastreux dans ce domaine, et nous savons que quelle que soit l'issue d'un tel second tour, le bilan serait le même.

Pour l'un comme pour l'autre, ce serait épouvantable. En matière de climat et de protection des plus riches Macron n'est pas mieux que Le Pen, et en matière de démocratie, le jeune Jupiter a prouvé ces dernières années qu'il n'avait rien à envier aux dirigeants d’extrême droite européens.

Macron et Le Pen c'est pareil. Ils sont les deux ailes d'un même avion qui perd de l'altitude. Macron s'assure de continuer à piloter en choisissant à qui il s'oppose, il fait en sorte avec l'aide des médias de faire accepter aux électeurs que le risque ultime c'est l'accession au pouvoir de l’extrême droite. Il est évidemment ravi qu'on n'évoque pas dans cette campagne les questions écologiques ou la remise en question du système capitaliste qui justifie le pillage des ressources planétaires, l'abêtissement et le servage des populations.

On obtient donc des seconds tours qui opposent mépris de classe à mépris de race, et par rejet justifié des positions racistes de Marine Le Pen des électeurs de gauche à la sensibilité écologiste sincère sont poussés à voter pour un président de droite aux mesures anti-démocratiques et anti-écologistes.

COMMENT ON SORT DE CETTE IMPASSE

Alors maintenant, la question du recours à cette parodie de deuxième tour se pose. Le candidat au programme de gauche et écologiste le plus susceptible d'être élu est Jean-Luc Mélenchon avec la France Insoumise. Bien sûr, les sondages valent ce qu'ils valent, mais il faut quand même reconnaître que, dans l'état actuel des tendances, un score au-dessus de 10% pour Jadot relèverait du miracle tandis que Mélenchon, en troisième position, a des chances réalistes de créer la surprise et de se qualifier au second tour. D'ailleurs, la Primaire Populaire qui avait pour objectif de propulser un candidat commun de gauche pouvant faire gagner la justice sociale, l'écologie, et la démocratie, a fini par appeler à se rassembler derrière la France Insoumise au détriment du candidat EELV.

Je suis conscient que cette décision peut sembler inenvisageable pour ceux qui voient Mélenchon comme un politicard rouge de colère et vert uniquement de rage, et qui considèrent Jadot comme étant le seul candidat du climat, mais je vous demande de regarder les faits en mettant certains affects de côté.

En réalité, en regardant les deux programmes, on constate qu'il n'y a pas de points de désaccord majeurs sur la chose climatique et écologique, et, sur les questions sociales, LFI se situe très clairement dans le camp de ceux qui veulent travailler à une réorganisation de la société en faveur des moins fortunés.

MELENCHON, TOUT UN PROGRAMME

Mélenchon, moi non plus je ne dirais pas exactement que c'est parfait. Par exemple, le terme "énergie renouvelable" qu'il a tendance à manier pour moi ne veut rien dire. Aucune source d'énergie aussi éthique et peu émettrice soit-elle ne peut justifier l'utilisation immorale qui en est faite pour faire tourner notre économie. En d'autres termes, bétonner un champ avec des machines qui tournent au photovolataique ne change rien au fait qu'on construit des lotissements sur des terres arables. La question de la sobrieté doit pour moi être plus présente que le type d'énergie employé.

Je trouve aussi le penchant de Mélenchon pour la technologie, hologrammes, meetings olfactifs et conquête spatiale un peu ridicule, mais plutôt que par admiration pour Elon Musk, je le soupçonne de mettre ça en scène pour assurer à ses électeurs qu'il est encore dans le coup.

Il a aussi dit des conneries plus grosses que lui sur des questions internationales, alors, bien sûr, ça fait tâche et il faudra clarifier certains points, mais quand on s'apprête à voter à nouveau pour Macron qui vend des armes à l'Arabie Saoudite et à la Russie toutes deux responsables de crimes de guerre, il faut se poser des questions de cohérence.

Moi, comme candidate j'aimais bien Delphine Batho, c'était presque parfait. Mais ce n'est pas pour cette année. Et il n'a sans doute pas échappé à ceux qui auront pris la peine d'écouter de près ce que disent les Insoumis que leur discours est très proche de celui de Batho pendant la primaire écolo, et leur programme ressemble quand même pas mal au mouvement que Chartres Ecologie voulait incarner en Beauce.

Eux aussi osent parler de nos vulnérabilités. Eux aussi affichent un anti-nucléarisme réfléchi. Eux aussi veulent favoriser les modes de transports qui nous éloignent de la voiture individuelle. Eux aussi veulent mettre le paquet sur la rénovation des logements, sur la diminution de consommation de la viande, veulent la fin de l'élevages intensifs et des produits phyto-sanitaires. Eux aussi veulent favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs aux pratiques favorisant la sauvegarde de la biodiversité. Eux aussi veulent parler des questions majeures de l'Eau, de nos forêts, de la production et de la gestion des déchets, du climat social, de la santé. Eux aussi, comme vous vouliez le faire avec les maisons de quartier, veulent intégrer les gens aux décisions après les élections. La FI annonce vouloir honorer le travail fourni par la Convention Citoyenne pour le Climat et elle a prévu d'organiser une assemblée constituante pour établir une déclaration des droits fondamentaux et inscrire dans la loi une règle verte qui régulerait les activités humaines en fonction des capacités de la planète à les encaisser.

CHOISIS TON CAMP CAMARADE

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça commence à ressembler à ma famille politique. Malgré les divergences, j'ai l'impression qu'il serait souhaitable d'évoluer avec un gouvernement qui tente d'extraire des caprices du marché les hôpitaux, les écoles et les politiques de logement et de production alimentaire. La rivalité entre paroisses et la défiance du méchant Mélenchon me semblent chaque jour plus ridicules en vue de ce qui nous attend si on ne parvient pas à se regrouper.

Un parti comme LFI au second tour, ça veut dire éviter d'avoir deux partis qui se ressemblent au second tour (je vous rappelle que les alternatives à Macron et Lepen sont Zemmour et Pécresse en tête des sondages). Ça veut dire opposer à Macron un programme qui nous ressemble, qui me ressemble, à moi, jeune écolo de gauche.

POURQUOI CACTUS PRESS

Je me permets de mettre en perspective ma position à l'aide d'un parallèle chartrain. Il y a deux ans, nous, électeurs avons eu à choisir entre les Écologistes de gauche avec Chantal Vinet et la Gauche écologiste avec Jacqueline Marre.

On est beaucoup à connaître des gens qui soutenaient le camp d'en face. Voisins, collègues, connaissances, amis. On continue à se croiser en ville, à pied ou à vélo. On se salue ou on échange quelques mots au marché. La réalité, c'est que par fierté et par allégeance aux partis auxquels nous pensons devoir notre fidélité, on a laissé aux manettes des gens dangereux qui ne nous écoutent pas alors qu'on aurait pu travailler ensemble.

On est repartis pour un tour de Gorges, qui est ravi de continuer à régner paisiblement et à endetter la ville en mettant sur pieds des projets inutiles, polluants, et inadaptés aux chocs qui nous guettent.
C'est un cas de figure récurrent dans ma verte carrière d'électeur. En 2017 déjà, après un quinquennat calamiteux de François Hollande, Hamon avait grapillé 6% chez les gens de gauche opposés aux Insoumis. Ce score n'a servi à personne. Il manquait 500 000 voix à Mélenchon pour passer devant Marine Le Pen. Est-ce que vous souhaitez à tout prix que l'histoire se répète ?

Est-ce que vous retournerez voter pour celui qui a prouvé qu'il ferait toujours le choix du marché et de la croissance face à l'écologie ou aux combats sociaux ? Est-ce que vous espérez que Macron proposera une place à Jadot dans un de ses ministères pour lui servir de caution écolo et raffler nos voix ? Est-ce que vous avez déjà pris la décision de voter LREM au second tour ?

Super, à défaut d'avoir voté ensemble, on se retrouvera aux manifs climat ou aux manifs retraites. Pour ceux qui auront encore un peu d'espoir.

CONCLUSION

Je sais que certains parmi vous auront du mal à surmonter leur aversion pour Mélenchon et auront de la peine à ne pas voter pour le candidat pour lequel ils ont milité ces dernières semaines. Je leur demande de reprendre attentivement le bilan Macron et de prendre la mesure du tournant historique que représente cette élection.

Vous qui avez décidé de faire face aux puissances capitalistes aveugles et destructrices, s'il vous plait considérez qu'en provoquant l'élection de Macron vous votez contre vous, contre moi, contre vos enfants et les leurs.

Parmi ceux qui se soucient de l'avenir, nous serons nombreux, de tout âge, à voter pour le programme que les équipes de la France Insoumise défendent, parce que c'est notre chance d'élire un gouvernement de gauche conscient des enjeux écologiques actuels. J'espère que l'aventure ne s'arrêtera pas dimanche soir et que nous entreprendrons la suite tous ensemble.

Merci encore d'avoir pris le temps de me lire.

Alexis Keltchewsky