Eh bien, en lançant un débat sur la destruction des arbres le long de l’Eure, on jette dans le même bain les sophoras de Luisant… Qui ne demandent rien et poussent tranquillement depuis dix-huit ans. La voûte des feuillages au-dessus de l‘avenue est presque reconstituée, et il faut se pencher pour retrouver les clochers de la cathédrale dans la perspective. J’espère bien que la ville aura le courage de ne pas les couper.
Si tu te souviens, on avait parlé dans L’Aiguillon, il y a longtemps, de cette plantation le long des avenues de Luisant ; j’étais maître d’œuvre. Le sol a été préparé profondément, c’est un mélange pauvre de pierres, de béton concassé, et de terre du site, un « terre-pierre ». Les arbres ont été obligés de s’adapter. Les racines ne peuvent grossir pour pouvoir s’infiltrer dans les interstices. Elles forment donc un tissu de radicelles très dense sans danger pour les constructions à plusieurs mètres. Et, en plus, les réseaux le long de la voie cyclable sont protégés par un pare-racines déployé sur toute la longueur des avenues.
Distinguer racines traçantes ou pivotantes n’a pas forcément de sens. Ce sont des opportunités pour se déployer sous terre avec une tendance propre à l’espèce évidemment, mais surtout en s’adaptant. Tu connais les dessins de David Ellas ? Les racines d’un frêne, d’un saule, etc., suivent les niveaux du sol, tantôt elles peuvent descendre à la recherche d‘eau, tantôt elles peuvent se disperser à la faveur d’une couche plus dure et plus fertile aussi. Et cela sur plusieurs étages. Là, le projet a consisté d’abord à les contraindre de s’adapter à un sol pauvre. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’y pas de fosses de plantations, mais des tranchées continues de carrefour à carrefour. Les racines filent sous les stationnement des voitures et sans les soulever. Avenue Béthouart à Chartres, c’est différent, on voit bien les mêmes sophoras soulever leur grille au pied du tronc.
Les grands principes méritent des nuances et puis, regarde bien avant de juger et condamner. C’est exactement cela l’article de Jean François Bridet. Quel est l’état des lieux ? C’est facile de tout raser en prétextant approximativement, c’est plus dur de nommer ce qui est en place et de faire avec. Mais tellement plus malin et durable.
François Roumet