Encore une soirée passionnante proposée ce jeudi 13 janvier par Chartres Écologie et parfaitement animée par Jean-François Bridet. On connaissait les « chasseurs-cueilleurs », nous avons rencontré Philippe Boisneau, pêcheur-chercheur. Un scientifique, de terrain, les pieds dans l’eau. Une connaissance exceptionnelle du milieu ligérien, et des réponses argumentées, précises, apportées à chaque question.

Tous avons l’image de la Loire comme le fleuve royal, les châteaux de la Loire, le Val-de-Loire UNESCO, la Loire à vélo, la Touraine, l’Anjou, le fleuve sauvage par excellence. La cinquantaine de participants au ciné-débat est tombée de haut. Les paysages restent magnifiques, et pourtant, silencieusement, une profonde mutation est en cours. La Loire se transforme comme jamais.

La température moyenne de l’eau de la Loire au printemps a augmenté de 2,8 degrés ces trente dernières années. C’est énorme et cela entraîne le développement d’espèces invasives : une moule venue tout droit du Mekong qui étouffe son milieu, et le silure, ce poisson géant qui dévore tout, y compris les carnassiers et les migrateurs (saumons). Les silures constituent désormais 70 % des prises des pécheurs professionnels au détriment des autres poissons qui se raréfient. Un véritable fléau en matière de biodiversité.

Des états de sécheresse de plus en plus réguliers (2018 et 2019, par exemple) provoquant des difficultés de refroidissement pour les centrales nucléaires, et une concentration des polluants. L’eau est polluée par les nitrates. Vous connaissiez les marées vertes en Bretagne, voici les algues vertes de la Loire : depuis quelques années, des algues filamenteuses se développent dès que la concentration en nitrates, d’origine agricole, dépasse des seuils.

Le seuil régulièrement admis par les autorités est de 50 milligrammes par litre, et pourtant, notre scientifique explique que la réalité est bien en deçà, dès que la concentration en nitrate dépasse les 18 milligrammes par litre, les algues vertes s’y développent et causent des pollutions aux conséquences dévastatrices : c’est la mort progressive des rivières, étouffées. Malgré les efforts du milieu agricole pour réduire les intrants, les sols et nappes sont tellement gorgés de pesticides qu’il y en a au moins pour cinquante ans. La vie de l’ensemble du bassin versant de la Loire est impactée par ce risque vital.

On apprend beaucoup du fonctionnement du comité de bassin, de la répartition compliquée des ressources (irrigation agricoles…) et des aménagements coûteux, notamment des passes à poissons (au pied desquelles les silures se régalent d’ailleurs) pour franchir les barrages des centrales nucléaires. On pratique uniquement le curatif très coûteux alors que la Loire est gravement menacée par les effets du réchauffement climatique qui s’accélère, et nécessiterait une véritable prise de conscience dans la prise de décision politique, à toutes les échelles, afin de faire enfin des choix d’avenir.

Un éclairage exceptionnel et très inquiétant sur une situation précise, celle du plus grand fleuve français. Grâce aux « Lanceurs d’alerte de la Loire », nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.

Olivier Maupu