Vu du ciel, Chartres a une demi-écharpe arborée autour des boulevards de la butte des Charbonniers et Foch : les alignements d’arbres matures, bien développés y tiennent la vieille ville. Bien sûr, les parcs ponctuant le long de l‘Eure, ou au carrefour du Couasnon et du ru de Rechèvres, reprenant les parcours anciens de l’eau, complètent ces belles structures qui nous ont protégés des fortes températures. Et puis quelques îlots, cinq  tilleuls au croisement du faubourg Guillaume et de la rue de la Croix-Thibault, sont bienvenus.

En chipotant sur ce patrimoine commun, on n’y trouverait que peu de renouvellement naturel : pas de jeunes qui peuvent prendre pied, on n’est pas non plus dans une forêt avec des îlots de rajeunissement. Dans les parcs très sages, la place n’est pas laissée aux semis, aux baliveaux. Et pourtant, ce serait beau. Et si simple. Pire encore, les grands sujets d’André-Gagnon doivent supporter les installations de jeux à grands coups de clous dans les troncs, comment tirer un maximum de ressources rares et non renouvelables.

Mais côté Sud, la Courtille et la place Morard n’ont qu’un maigre héritage des belles frondaisons des tilleuls ou des marronniers. En remontant le boulevard Chasles, les platanes plantés lors du creusement du parking souterrain sont là, mais ils n’ont pas encore le volume  qui renverserait la proportion d’ombre et  de lumière. Le pourront –ils un jour ? Pas sûr du tout. Ces « nouveaux » arbres  sont tenus à bout de bras par l’arrosage automatique. Ils n’ont pas la chance minimale d’avoir un sol à leur disposition, mais ils sont plutôt dans l’inconfort d’une perfusion permanente. Comment vivre dans un  «substrat» aussi limité ?

Deux platanes face au théâtre ne pourront que témoigner de leurs difficultés. Les tilleuls de la place du Cygne avaient vécu leur début de vie sur l’herbe avant que toute la place ne soit imperméabilisée. Leurs remplaçants n’auront pas cette chance : pas de sol d’abord, pas d’autres plantes pour accompagner, pas d’apports par les pluies, pas de vers de terre ni autres petits animaux, pas de champignons pour digérer les minéraux, pas d’apport de matière fraîche à l’automne, les feuilles sont ramassées systématiquement. Du coup, l’arbre arrête sa croissance rapidement, il reste malingre. Avec les sécheresses, ses branches hautes meurent. Il n’y a qu’à regarder la couronne de tilleuls autour de la place des Epars...

Ce n’est pas un hasard si les robiniers voisins de la descente au parking tirent mieux leur épine du jeu ; ils sont en groupe avec un sol à se partager et des arbustes pour ombrer leur pied. Il va falloir renouveler rapidement les plantations à l’avenir. Il a fallu du temps et quelques changements pour que les arbres à miel de la place Saint-Michel prennent pied : que des dalles claires au sol, des murs blancs alentour pour renvoyer la lumière du midi.

Au milieu de toute cette ignorance, l’arbre devient un décor à Chartres, à la limite du bouquet sur un coin de table, mais jamais il ne pourra atteindre le développement « normal », les 25 mètres du marronnier centenaire au bout de la Chambre des métiers. Il lui manque le système vivant pour le porter, un petit bout élémentaire de nature.

François Roumet




François Roumet