Jean-Noël Pancrazi est un auteur que l’on a plaisir à retrouver. Un auteur qui possède une écriture porteuse et qu’il est difficile de lâcher en chemin. Après avoir été enseignant dans un collège de Vernouillet près de Dreux (Eure-et-Loir), Jean-Noël Pancrazi a dirigé sa vie vers la littérature. Il est lauréat du prix Médicis dès son premier roman et quelques années plus tard du prix de l’Académie française. Depuis, ce romancier trace sa route et nous fait partager ses émotions à travers les chapitres de sa vie.

Dans son dernier roman Les années manquantes, Jean-Noël Pancrazi revient sur son adolescence. Et ses 13 ans lorsque ses parents, désireux de retourner en Algérie, le laissent à la garde de sa grand-mère maternelle à Thuir, près de Perpignan. Le jeune homme a pour toute consigne de réussir ses études. Pour ce garçon expatrié et devenu étranger dans une région catalane qu’il doit apprivoiser, l’heure est à l’adaptation. Et tout d’abord avec Joséphine, une grand-mère pieuse, dont la vie est ponctuée de prières et de processions. Joséphine, souffrant d’eczéma, est le personnage principal, véritable boussole qui l’épaule tant bien que mal.

Noël, son fils devenu militaire, alors qu’une vie d’artiste aurait semblé mieux lui convenir, parvient à raviver la flamme de la vieille dame lors de ses visites. Victime d’un père qui ne comprend pas que son capitaine de fils n’ait rien fait pour éviter les  défaites françaises en Indochine et en Algérie, Noël, revenu à la vie civile, perd sa vie dans des lieux de débauches. Dans cette atmosphère de fin du monde, l’adolescent cherche à ouvrir les fenêtres de la vie malgré les moqueries de ses camarades de lycée. C’est du côté de son oncle, qu’il trouvera un peu de réconfort.

De retour d’une Algérie, bien loin de la terre promise, les parents se déchirent et finissent par divorcer. Le jeune Jean-Noël passe à travers les gouttes de cette ambiance glauque. Brillant, il parvient à entrer en hypokhâgne à Louis-le-Grand. Comme beaucoup d’étudiants, il répondra à l’appel des sirènes de mai 68 pour illustrer la magnifique chanson prémonitoire de Georges Moustaki : Le temps de vivre.

Dans ce livre court à l’écriture ramassé et empli d’une émotion attachée à un temps lointain, Jean-Noël Pancrazi sublime le passé en balayant toutes les frontières temporelles. Une fois de plus, avec Les années manquantes, Jean-Noël Pancrazi nous montre qu’il sait adroitement respirer la nostalgie des jardins sauvages et nous faire partager ses insomnies.

Pascal Hébert

Les années manquantes, de Jean-Noël Pancrazi, éditions Gallimard, 106 pages. 12,50 €.

Photo Francesca Mantovani.