Edgard Morin, bientôt centenaire, philosophe et sociologue, nous livre un essai entièrement consacré à l’écologie, ajoutant son autorité intellectuelle et pertinente à la liste des penseurs qui s’alarment de la dégradation de la planète. Il est le philosophe qui a développé le concept de « complexité » et déplore que les disciplines scientifiques soient compartimentées sans qu’il soit prévu de les relier, alors que l’écologie touche tous les domaines. Il démontre aussi que l’homme pour gagner son indépendance doit la payer par de la dépendance. L’interdépendance est multiple et ne doit pas oublier la nature. L’accumulation des catastrophes nous révèle « qu’une science sans conscience voire inconsciente sape la nature et l’humanité. »
Edgard Morin critique les gouvernements qui s’entourent d’experts spécialistes d’un domaine et restent accrochés aux sondages « qui leur tiennent lieu de boussole. » Ils sont devenus incapables de relever les défis de civilisation. Dans un monde à l’avenir sombre et incertain, il serait pourtant primordial de donner un sens politique à l’amélioration de la qualité de la vie. L’auteur affirme que la taille des établissements scolaires et hospitaliers doit être limitée à des dimensions humaines.
Pour contrer la croissance du chômage et relancer l’activité économique, Edgard Morin propose la promotion de la qualité, le déploiement de l’agriculture bio, du maraîchage, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises ainsi que de l’économie sociale et solidaire. Il remet en cause le développement qui semblait sans limites au XX° siècle, il est désormais menacé par la dégradation de notre environnement et par conséquence la dégradation de la qualité de la vie. Aux écologistes qui s’opposent sur la croissance ou la décroissance, il suggère de s’accorder sur ce qui doit croître et ce qui doit décroître dans une perspective d’amélioration de la qualité de la vie. Cet objectif ouvrirait une espérance à une société aujourd’hui en panne de projet commun et d’avenir.
On aimerait que ces réflexions parviennent jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, mais il semble que la sociologie et la philosophie passent bien après le lobbying et l’orthodoxie économique. Cet essai de 150 pages se lit sans difficulté, il présente un panorama presque complet des problèmes de notre société, à recommander sans réserves !
Edgar Morin, L’entrée dans l’ère écologique, éditions de L’Aube, 2020.
Elisabeth et Denys Calu, correspondants permanents de Cactus en Wauquiezie.