Dix ans après Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle nous offrent un essai un peu plus optimiste.

Les auteurs partent du constat que « le paradoxe de l’évolution humaine, c’est notre vulnérabilité à la naissance qui a fait la puissance de notre espèce ». En effet, un bébé ne peut survivre que grâce  aux soins de ses parents et de son entourage. Cette situation d’interdépendance, que l’on peut étendre à tous les âges de la vie, nous oblige à l’entraide et à l’altruisme. Pablo Servigne et Gauthier Chapelle citent abondamment Pierre Kropotkine qui à la fin du XIX° siècle avait écrit L’entraide un facteur de l’évolution.

Pour que s’instaure cette entraide générale dans notre société, ils estiment important de réunir trois conditions : la sécurité, l’égalité et la confiance. La première est nécessaire mais pas indispensable, car on observe qu’en milieu hostile, catastrophe ou guerre, la coopération fonctionne presque toujours.

Les deux autres conditions peuvent être la cause de non-coopération et d’égoïsme. On remarque que plus il y a d’inégalités dans la société plus les classes aisées font sécession. Par ailleurs, on observe que plus les dimensions d’une société augmentent et s’éloignent d’une taille humaine et s’orientent vers la démesure, plus la tentation d’un accaparement du pouvoir par un petit groupe se manifeste.

C’est alors que les citoyens adoptent une attitude d’indifférence et un désinvestissement pour le bien commun. On observe aussi que pour ressouder une population autour d’une autorité en perte de popularité, la solution de facilité peut être la désignation d’un ennemi commun. S’associer n’est pas toujours synonyme de bien, car on peut aussi s’unir pour massacrer ou pour conquérir des territoires.

Les auteurs, tous deux docteurs en biologie, explorent également tous les aspects de la coopération dans l’éventail du vivant. Ainsi, depuis la nuit des temps, les humains, les animaux les plantes les champignons et les micro-organismes pratiquent l’entraide. Les exemples ne manquent pas !

Un chapitre important est consacré à la question climatique et là encore les inégalités entre Etats sont un frein à la coopération : Les pays riches fortement responsables de la situation sont moins touchés par les catastrophes, tandis que les pays pauvres sont davantage exposés au dérèglement climatique. Autre obstacle : l’absence des générations futures dans les négociations. Tous ces éléments ne favorisent pas l’élaboration d’un objectif commun.

Servigne et Chapelle observent une générosité plus grande chez les classes sociales inférieures plus promptes à s’engager pour la solidarité que les classes supérieures. Ils constatent également que la réduction des inégalités a un impact positif sur la santé d’une population indépendamment de l’augmentation de la richesse globale du pays.

Il serait intéressant de faire la promotion de cette autre loi de la jungle, car Pablo Servigne et Gauthier Chapelle concluent que : « L’entraide et la générosité, non seulement font du bien au moral, mais contribuent à l’augmentation du sentiment de bonheur. »

Dans un monde où tout semble dicté par la loi du plus fort, cet essai mériterait une plus large diffusion pour contrebalancer tous les discours individualistes et xénophobes.

Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle, éditions Les liens qui libèrent 2017, 344 pages, 22 euros.

Denys Calu