Une semaine après l’élection municipale, autant dire un siècle vu les événements qui l’ont à la fois minimisée et détrônée dans l’actualité, merci aux électeurs qui ont choisi de donner leur voix à Chartres Ecologie, et à ceux qui, à bonne distance sanitaire, nous adressent tous les jours leur soutien dans la rue, au marché, à vélo. Ces encouragements comptent beaucoup, qui soulignent la naissance d’une alternative politique à Chartres, bien que rien n’efface le ressassement, pour nous qui y croyions, de tout ce qui peut advenir au cours des six ans qui vont s’ajouter aux dix-neuf écoulés. Et maintenant que le confinement bloque la vie sociale et économique, et même institutionnelle, en attendant de prendre la mesure d’un tel état d’urgence, procédons au bilan de ces derniers mois.
Raisons d’un vote
Les 1907 voix déposées en faveur de La Liste ont révélé une communauté d’aspirations et de préoccupations : il faut, au niveau local, s’organiser de façon à se nourrir, à construire et à s’équiper en autonomie et, dans ce but, mobiliser toutes les énergies, dans tous les quartiers de la ville, loin du chacun pour soi qui a prévalu au cours des dernières décennies. S’entraider, épauler les plus faibles, donner de son temps et son savoir, c’est l’unique alternative à l’individualisme et à la dépendance vis-à-vis d’une chimère ultralibérale, mondialisée, qui craque de toutes parts. Nous tous, amis et colistiers, l’avons expliqué dans nos réunions, écrit dans nos publications – et, sans jouer les Cassandre, il se pourrait que la situation présente légitime ces propositions de maraîchage, recyclage, artisanat, commerce de proximité. Nous avons recueilli 22 % des voix des Chartrains.
Si nous avons raison sur le fond, pourquoi, tout de même, cet écrasement par la candidature du maire sortant, avec 27 voix au-dessus des fatidiques 50 % dès le premier tour ? Une formule invariable : « Prime au sortant », ou encore : dans ce contexte de crise, les rares électeurs se sont repliés sur ce qu’ils connaissent – ou croient connaître. Pourtant, ce pouvoir, nous en avons exposé la nature, preuves à l’appui, notamment sur l’endettement de la Ville et la démesure des projets. La résonance a été insuffisante, proportionnelle aux moyens de communication réduits dont nous disposions ; avec cette grosse mairie clinquante, pas une salle de réunion au centre ville ! Pourquoi L’Echo républicain, qui proclamait solennellement le traitement équitable des candidats au seuil de la campagne, n’a-t-il pas procédé à un état des lieux sincère ? Pourquoi, au lieu de confier à ses journalistes des enquêtes par exemple sur la dette, les SPL, qui auraient été dignes d’une presse libre, a-t-il si souvent, et jusqu’à la fin de la campagne, ouvert ses colonnes à la parole fallacieuse du maire, seul comptable des chantiers bloqués, mais qui continuait de vanter ses ambitions tout en dénigrant de prétendus responsables de ses échecs, toujours les autres ?
Instantanés dans la ville
En faisant campagne, nous avons compris à quel point cette ville a perdu toute vitalité sociale : les maisons dites pour tous (le plus souvent, comme à Rechèvres ou aux Petits-Clos, une seule grande salle, très haute et mal sonorisée, impropre à des activités multiples) sont des espaces techniques malcommodes, nullement propices à des « ruches » où l’on créerait, échangerait, travaillerait, se divertirait. Tous ceux qui, de près ou de loin, fréquentent des associations nous ont donné rendez-vous après une éventuelle victoire électorale – des réponses de ce genre ont été fréquentes : « Vous comprenez, ma femme est secrétaire de l’association, cela risque de lui faire perdre sa subvention… » C’est la même omerta qui fait taire les journalistes et les associatifs – pour la démocratie, on repassera, mais cet état de fait est aussi inquiétant lorsque les choses se dérèglent comme de nos jours, tant il en résulte d’impréparation collective.
Autre constat fait en distribuant nos programmes, pas vraiment une découverte : dans les quartiers, à Beaulieu, par exemple, on a bien fait croire aux habitants que le bonheur, c’est un parking, la vidéo-surveillance et les containers enterrés. Les locataires qui vivent encore dans les barres délabrées (plus jamais entretenues pour être mieux condamnées) ou ceux qui, payant des loyers beaucoup plus élevés, occupent des cubes de béton neuf empilés, illusoires paradis sécurisés, mais mal isolés, construits à la va-vite et à bas coût, ne resteront pas, tous déclarent ne plus rien attendre, surtout pas des « politiques » (parmi lesquels nous nous sommes sentis englobés, avec plus ou moins de latitude pour nous expliquer).
La construction à tout-va est d’ailleurs, nous l’avons vu partout, le mal qui ronge cette ville, l’artificialise et la défigure, comme l’a montré le permis de construire délivré rue des Petites Filles-Dieu, qui risque de mettre à mal le paysage urbain, l’équilibre écologique fragile de ces abords de l’Eure et l’art de vivre dans ce quartier, qui est aussi un lieu de promenade. Se borner à entasser des habitants peut rendre une ville invivable.
Nouvel équilibre des forces politiques
Voici donc Chartres prisonnière d’un pouvoir reconfirmé à force de propagande, et grâce au consentement, ou à l’abstention, de tous ceux qui auraient pu user d’une capacité d’expression. Que soient ici remerciés ceux qui, au contraire, nous ont reçus, écoutés, qui se sont exprimés avec franchise, et nous ont éclairés sur certains rouages. Nul doute que ce sera utile à l’avenir.
Reste à répondre à un grief, entendu et lu souvent : le front uni, l’alliance des forces démocratiques , conçus comme l’unique chance de changement, n’ont pas été réalisés, et les différents partis se sont présentés en rangs séparés. Pourtant, de mars à décembre 2019, nous avons patiemment écouté les séductions de LREM comme les rugosités des nostalgiques de l’union de la gauche ; tous ont eu raison de nos tentatives et, faut-il le dire, de notre sens des responsabilités. Sans esprit de polémique : on eût aimé avoir à la table des négociations successives tous ceux qui nous ont tant recommandé l’alliance sacrée. Aucun regret : ces grands écarts sont vains, électoralement et politiquement. Et, surtout, le détachement auquel nous nous sommes résolus nous a valu d’être rejoints par des Chartrains qui ont mis au service de notre cause leurs compétences, qui architecte, qui urbaniste, qui économiste, lesquelles dureront bien au-delà de la campagne .
Cultiver son jardin
Aujourd’hui, ce qui réconciliera les citoyens, mieux que des accommodements de circonstance, c’est la nécessité : ce n’est pas parce que Chartres Ecologie n’est pas élue qu’il ne faut pas cultiver son jardin, au propre et au figuré. Aux heures très incertaines que nous vivons, il faut à la fois parer au plus pressé et préparer l’avenir : planter des arbres qui climatiseront tout l’environnement et ramèneront insectes et oiseaux, tout en fournissant des fruits, faire des semis, partager les jardins. Faire chez soi, avec ses voisins, ce que la Mairie aurait impulsé si nous avions été élus.
Nous entrons dans une ère qui appellera la solidarité. Au sens premier , « polis », ce qui motive l’engagement politique, ou simplement civique, c’est la cité, la communauté. A nous de la (re)mettre en œuvre, autrement : à la différence de C’Chartres qui sonne comme Crépuscule, Chartres Ecologie, à défaut du pouvoir, hérite la charge morale de l’avenir de la ville.
Chantal Vinet, tête de la liste Chartres Ecologie