Il y avait des bois et des champs
Les fruits poussaient spontanément
Et les fleuves étaient transparents
Avant que viennent les marchands
La terre aimait bien ses enfants
Et la nuit berçait les amants
On faisait l’amour tendrement
Avant que viennent les marchands
Cette nouvelle pandémie qui s’abat sur la planète contraint un bon tiers de l’humanité à se confiner. Avec un monde qui roule largement au-dessus de la vitesse autorisée, la nature, aussi patiente que résiliente, se rappelle à notre bon souvenir. L’homme ne pourra jamais vivre en l’ignorant et la maltraitant impunément. En ces temps de confinement, il est bon et peut être nécessaire de repenser notre façon de voir individuellement notre place sur cette planète terre. La lecture du Tao Te King du Bel Age de Lao Tseu, vu par William Martin, nous permet de réfléchir sur nos excès et sur ce que nous avons réellement perdu au fond de notre être.
En Chine, où est né le Tao, l’harmonie entre l’humain et la nature permet d’accéder à la sagesse. Vaste sujet que la sagesse à un moment où l’humanité anxieuse s’interroge sur son avenir. Le Tao nous invite pour devenir sage à mettre en conformité le cœur et l’esprit avec les lois de la nature. Le Tao est une invitation à la modestie face à l’immensité de l’univers, de la nature et les devoirs qu’elle impose. Tout n’est que recommencement sans fin. La vie est un perpétuel recommencement. En ces temps troublés, il est curieux de constater que pour le taoïste, « l’infraction aux lois naturelles entraîne inévitablement des sanctions : manque d’harmonie, isolement et affliction. » tout en nous rappelant que « toutes les paroles, tous les actes ont des conséquences, la responsabilité est donc grande, je dois faire attention à tout ce que je fais et à tout ce que je dis. » Mais tout serait simple sans ce fameux égo qui brûle la conscience. Bien évidemment, il serait préférable de s’accepter tel que l’on est pour conduire sa vie en évitant de porter toute son attention sur son apparence ou le masque de sa personnalité que l’on donne à voir. Il faut être authentique pour ne pas tomber dans les pièges de l’ego. Et dieu sait qu’ils sont nombreux… Il vaut mieux se vider se soi-même pour se remplir de l’univers.
Dans cette période où la vie et la mort sont unis comme deux notes du même accord, nous souvenons-nous que « la vie n’est jamais aussi douce que lorsque l’on sait que l’on va mourir. L’émerveillement ne surgit qu’en présence d’un mystère indicible. » A l’heure où nous sommes contraints de revoir notre façon de consommer, on s’aperçoit comme une évidence que « les désirs aussi importants qu’ils paraissent restreignent et limitent notre vie. La passion avec toute sa souffrance et sa joie est à jamais sans limite. Riche ou pauvre, il nous faut changer notre façon de penser. La compassion et la sérénité sont les vraies récompenses de l’âge. Tout le reste est superflu. »
A l’heure où sonnera la fin du confinement, William Martin qui adapte la pensée de Lao Tseu à notre siècle, prévient : « D’une certaine façon, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 semblent avoir aggravé notre confusion et nous avoir éloigné de toute pensée réfléchie. Nous ne nous sommes pas tournés vers la sagesse mais vers la peur et une version exclusivement politique des choses. Au lieu d’écouter les paroles courageuses de nos sages, qui nous offrent la voie de la compassion, nous avons écouté celles qui nous exhortent à conserver nos modes de fonctionnement habituels à savoir consommer et nous divertir. »
Et pour conclure, pour le taoïste, l’homme n’est pas coupable de ses erreurs, il est juste ignorant, il est en apprentissage. Il a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de trouver la voie !
Quand nous avons dépassé les savoirs
Alors nous avons la connaissance
La raison fut une aide
La raison est l’entrave
Quand nous avons dépassé les velléités
Alors nous avons le pouvoir
L’effort fut une aide
L’effort est l’entrave
Quand nous avons dépassé les jouissances
Alors nous avons la béatitude
Le désir fut une aide
Le désir est l’entrave
Quand nous avons dépassé l’individualisation
Alors nous sommes des personnes réelles
Le moi fut une aide
Le moi est l’entrave
Quand nous dépasserons l’humanité
Alors nous serons l’homme
L’animal fut une aide
L’animal est l’entrave
Georges Moustaki/Sri Aurobindo
Pascal Hébert
Le Tao Te King du Bel Age, de Lao Tseu-William Martin aux éditions Synchronique, 142 pages, 14 €.