Malhonnêtes ou totalement manipulés, de trop nombreux décideurs se réfugient aujourd’hui dans la pensée magique du miracle nucléaire pour résoudre la crise énergétique et climatique. La contribution d’Hervé Kempf est salutaire pour que le bon sens l’emporte à nouveau contre les sophismes et clouer le bec à ces dangereux fous nucléaristes qui retardent l’urgente entrée dans l’âge de la sobriété et des vraies énergies renouvelables.

Le risque nucléaire

Le risque zéro est statistiquement impossible, pas plus en France qu’ailleurs. Les bilans humains des dernières catastrophes ont tous été minorés et les études épidémiologiques de long terme négligées. La renaissance de la biodiversité dans la zone interdite de Tchernobyl est une fable : la faune a payé un lourd tribut et de nombreuses espèces connaissent des taux de stérilité gigantesques.

Quant au coût d’un accident, il avait été évalué en 2013 par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) à 450 milliards d’euros (20% du PIB), ce qui provoquerait une crise économique sans précédent. Les économistes avaient alors établi ce chiffre en considérant que la contamination ne concernerait que des territoires ruraux, imaginons ce qu’il serait si des vents indélicats dirigeait la pollution vers une métropole…..

Trois dimensions systémiques au risque nucléaire :

  • En fait, l’atome suppose la paix et une société très stable. « Construire une centrale, c’est faire le pari que rien de grave n’arrivera à cet endroit pendant des décennies ». Un pari que le changement climatique rend hasardeux, voire irresponsable. »
  • (…) Si le changement climatique et la catastrophe écologique s’approfondissent, l’économie mondiale va se trouver de plus en plus en difficulté. La tension sur toutes les dépenses sera croissante, et la pression pour alléger le maintien de la sécurité nucléaire de plus en plus lourde. Comment assurer la sécurité des centrales nucléaires dans un pays appauvri ?
  • EDF, une entreprise en très grande difficulté : le réacteur EPR en construction depuis douze ans pour un coût cinq fois supérieur à l’estimation initiale, 40 milliards de dette (double du résultat annuel d’exploitation !!!)

Relancer le nucléaire, une mauvaise affaire pour le climat :

  • L’Agence Internationale de l’Energie indique : les énergies renouvelables jouent les premiers rôles dans tous nos scénarios, le solaire en tête. L’énergie solaire photovoltaïque est désormais systématiquement moins chère que les nouvelles centrales électriques au charbon ou au gaz, et les projets solaires offrent désormais une électricité dont le coût est parmi les plus bas jamais vus.
  • Les énergies nouvelles, et notamment le solaire, ont connu une progression technique fulgurante, tandis que le nucléaire, dont le coût est à la hausse, s’empêtre dans une technologie datant pour l’essentiel des années 1970.
  • Le système français des déchets nucléaires est ainsi au bord de l’engorgement, ce dont les politiques ne semblent pas avoir conscience : « la fragilité des industries du cycle du combustible s’ajoute à la fragilité du parc » (Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire en janvier 2022).
  • Les investisseurs privilégient les énergies renouvelables et se méfient du nucléaire, lourd, massif, plus cher et risqué techniquement.
  • Mycle Schneider, spécialiste de l’économie du nucléaire : « chaque euro investi dans de nouvelles centrales nucléaires aggrave la crise climatique, car cet argent ne peut plus être utilisé pour investir dans des options efficaces de protection du climat »

Nucléaire et sobriété, il faut choisir

Le choix nucléaire n’est pas qu’un choix scientifique, c’est aussi un choix politique.

  • Ce n’est pas un hasard si le choix du nucléaire est majoritairement fait par des dictatures ou des pays très autoritaires (Chine, Russie, Biélorussie, Turquie…)
  • Emmanuel Macron, en 2020 : « opposer nucléaire civil et nucléaire militaire en termes de production, comme en termes d’ailleurs de recherche, n’a pas de sens pour un pays comme le nôtre. La filière vit de ses complémentarités et elle doit être pensée dans ses complémentarités ».
  • Un débat ouvert ne donne pas l’avantage à l’énergie nucléaire, qui ne peut s’imposer qu’en limitant l’information.
  • Le nucléaire, en fait, est antithétique aux principes d’une société démocratique (…), il implique des structures de contrôle verticales et policières en raison même du danger qu’elle représente.
  • L’urgence de la sobriété : la lutte contre le gaspillage suppose de ne pas se laisser se développer des technologies gourmandes en énergie comme les cryptomonnaies (consommation équivalente en 2021 à 30% de la consommation électrique française) ou la 5G, de dissuader les voitures trop lourdes, d’interdire les panneaux vidéo publicitaires, de réduire l’éclairage nocturne etc…

Le nucléaire est le faux-nez du conservatisme des riches

  • Pour aller vers la sobriété, il faut passer par une redistribution des richesses.
  • Le débat sur le nucléaire n’est que le faux-nez d’un refus d’aborder la question des inégalités, en France comme dans les autres pays, le refus de se poser la question de la société dans laquelle nous voulons vivre. Il est fort probable que la dureté des temps imposera des contraintes douloureuses, si nous ne faisons rien. Mieux vaut choisir que subir. Et s’engager dans une société juste, sobre, libre, dans laquelle le nucléaire deviendra un sujet d’étude pour les historiens.

Hervé Kempf, Le nucléaire n'est pas bon pour le climat, Seuil-Libelle, 2022, 4 euros 50.

Recension par Jean-François Bridet