Chloé Delchini : attention talent ! Elle n’a que 27 ans, mais son premier roman casse tous les codes de la littérature et casse même la baraque ! Chloé Delchini est bien une fille de son siècle avec une écriture à vous couper le souffle.
Le lapin est une véritable course littéraire cadencée comme la musique du Blue Rando à la Turk de l’immense Dave Brubeck. Chloé Delchini a mis ses poumons et son cœur dans l’écriture d’un livre que l’on attend depuis toujours et que l’on voit enfin arriver ! Véritable synthèse de tout ce que la littérature française a fait de mieux depuis Flaubert en passant par Proust jusqu’à aujourd’hui, Le lapin est à découvrir comme un voyage dans un univers singulier. Celui de cette autrice qui nous séduit par la puissance de son écriture et son voyage intérieur magnifié par les villes, les banlieues et les trains.
Ulysse, un jeune homme de 28 ans, revient sur ses pas dans les rues de Bécon-les-Bruyères où il a grandi. Avant de retrouver Pauline, il passe la journée à marcher sur l'asphalte revisitant le décor de sa jeunesse et de ses premières amours. On y retrouve les endroits d’un temps perdu et les amis quittés à 18 ans pour monter à Paris. De Bécon-les-Bruyères, qu’elle nous fait visiter et même humer, Chloé Delchini précise : « De la ville, je garde le corps des rails et les yeux de Pauline, son visage aussi net qu’un bout de nuage ».
La nostalgie se heurte à la modernité de la langue de Chloé Delchini dans cette balade où sont convoqués les souvenirs :« Je sens que la ville a été muselée par des barrières, remastérisée pour fermer la porte aux hasards de la rue, j’ai un frisson quand je vois que quelqu’un a déboulonné certains bancs stratégiques sur lesquels on zonait. »
Mais qu'importe qu’il s’y perde, Ulysse veux retrouver l'inaccessible, chercher l’impossible, le diamant pur de l’amour ravivé par l’émotion des retrouvailles : « Elle a dû laisser traîner des indices dans une poubelle, des paquets de biscuits fourrés citron qu’on était les seuls à aimer, une trace de pied dans le bitume fraîchement coulé, suis moi Ulysse, sa semelle taille 36, elle a dû passer plusieurs fois sur le minuscule rond de pelouse pour tracer une route de terre menant à elle, ma Pauline négligée par une population qui ne connaît que des stars à part à la télé, ma Pauline, et son potentiel première place sur le podium des piétons premium, ma Pauline constamment sous-estimée au quotidien, ma Pauline obstinée qui n’a pas voulu s’enfuir, qui a laissé ses rêves s’arrêter ici, devant les feux du passage piéton de la gare des Vallées. »
Chloé Delchini marche dans les villes et sur les chemins littéraires en rafraîchissant une langue qui se dessèche. Un deuxième roman de Chloé Delchini, on en redemande jusqu’à plus soif ! Étrangement ou pas, ce livre apporte un bel écho au poème d’Yves Simon, Les enfants du siècle : « Septembre la pluie dessine sur ton visage un miroir pour les oiseaux/Et moi je les regarde confondre le bleu du ciel avec le bleu de tes yeux/ Les enfants du siècle s'embrassent devant la télé/ Les enfants du siècle disent "je t'aime" en anglais/T'es où, t'es où, j'te cherche partout ?/ Les ailes de la nuit sont partout/ Les ailes de la nuit sont partout, te cherchent partout. »
Pascal Hébert
Le lapin, de Chloé Delchini, éditionsScribes, 126pages, 18 euros.