Nous vivons des temps incertains. Les conflits se rallument un peu partout sur la terre et même en Europe, où pourtant, on pensait naïvement que la paix était acquise. A notre décharge, nous vivons des temps historiques. La France et nombre de pays européens n’ont pas connu la guerre sur leur sol depuis près de 80 ans ! Une éternité. Un record qui ne doit pas faire oublier que le ferment des hostilités est partout présent. C’est ce que nous indique avec lucidité Amin Maalouf dans son remarquable livre Le labyrinthe des égarés ou L’occident et ses adversaires.
Dans cet essai, le secrétaire perpétuel de l’Académie française, remonte le temps pour nous expliquer les origines du mal. Un mal qui s’installe et que rien ne semble apaiser. La revanche n’est jamais bien loin. En prenant comme exemple quatre pays ayant dominé le monde au cours des deux derniers siècles, l’écrivain éclaire les événements que nous traversons ou que nous avons traversés.
Le Japon, la Chine, la Russie et les États-Unis sont passés au tamis de l’histoire pour tenter de comprendre pourquoi nous en sommes encore arrivés à ce triste constat : on ne s’aime pas. Forcément, pour différentes raisons, il faut que les puissances dominantes se trouvent un adversaire comme actuellement les États-Unis avec la Chine ou hier le Japon avec la Chine, l’Allemagne d’Hitler avec le reste du monde. Un point commun réunit cette escalade : le réarmement de ces puissances belliqueuses.
Depuis la guerre en Ukraine, nous avons ouvert une nouvelle page de notre histoire humaine. La paix durable semble de plus en plus une utopie. Amin Maalouf se révèle à travers ses lignes particulièrement inquiet en dénonçant les erreurs que nous reproduisons inlassablement. Pourrons nous en tirer les leçons afin d’éviter le suicide collectif de toute une génération ? La guerre que mène la Russie en Ukraine en est une illustration parlante : « Le point de départ de "l’opération spéciale" ordonnée par Vladimir Poutine, c’était la frustration éprouvée par son pays, qui a été pendant un demi-siècle l’une des deux superpuissances globales, dominant la moitié orientale de l’Europe et redoutée par l’autre moitié.
Du jour au lendemain, ce statut s’est volatilisé. La superpuissance s’est vue déclassée, démembrée, ruinée, ce qui ne pouvait être vécu par ses ressortissants dans la sérénité. » explique Amin Maalouf, qui conclut sur cette note plus optimiste : « En dépit de toutes ces inquiétudes, je demeure persuadé que le moment d’angoisse que nous vivons pourrait se révéler salutaire ; qu’il pourrait nous amener à concevoir, pour la suite de l’aventure humaine, un autre déroulement, qui ne soit pas simplement la reprise des mêmes tragédies avec d’autres acteurs. »
Comme le dit si bien Claude Nougaro dans son poème Assez : « Il serait temps que l'homme pleure/Le diamant des jours meilleurs »
Pascal Hébert
Le labyrinthe des égarés, d’Amin Maalouf, éditions Grasset, 446 pages, 23 euros.
Photo : JF Paga.