Albert Hude, Dreux. Août 1944. Le chef des FFI est assassiné. Exécution, vengeance ou erreur de cible ? Editions du Colombier, 2024, 20 euros.
La Recherche historique obéit à des règles universelles connues de tous ceux qui se revendiquent chercheurs :
- contextualisation,
- présentation d'une ou de plusieurs problématiques,
- plan structuré cohérent et équilibré,
- esprit d'analyse et de critique,
- recoupement des sources,
- expression écrite bien maîtrisée et riche.
- réponse obligatoire à la problématique à partir des sources utilisées, les plus nombreuses possibles, les plus crédibles, et après avoir écarté les hypothèses les moins vraisemblables.
En sus, la Recherche condamne autant les anachronismes que les hors-sujets.
Monsieur Hude vient de publier un nouveau livre sur la résistance en Eure-et-Loir. Malheureusement cet ouvrage, écrit sans doute un peu trop hâtivement, comporte bien des approximations et des erreurs.
En premier lieu, la notice biographique tirée du Maitron, succincte, comporte plusieurs inexactitudes. Il aurait été intéressant de consulter en priorité les états de service de Georges Binois au Service Historique de la Défense à Vincennes.
Passons rapidement sur les erreurs de vocabulaire :
Page 80 : "objets personnels de Binois… retirés du corps",
Page 81 : "commandé" au lieu de "commandité",
Page 82 : "prévenance" au lieu d"'information" ou "annonce",
Page 83 : "parcellé" au lieu d'"émaillé",
Page 89 : "crime perpétué" au lieu de "perpétré".
Sans parler des erreurs d'orthographe et de typographie ainsi que les phrases qu'il faut relire deux fois pour les comprendre (pages 71,72, 89, par exemple). Le plus déroutant, ce sont les déductions hâtives ainsi que des affirmations erronées. Pour n'en citer que quelques-unes :
Page 66 : concernant la 2e commission rogatoire du 9 décembre 1944 adressée aux sieurs Viollette et Roques pour recueillir leur déposition. Ces deux personnes n'avaient pas été interrogées au mois d'août 1944, alors qu'elles étaient présentes au dîner du 19 août, juste avant l'assassinat. Il aurait fallu préciser que Madeleine Binois, l'épouse de Georges, s'est constitué partie civile en février 1945 à la suite de la parution dans l'Action Républicaine d'articles "indécents" (4 octobre 1944, 6 décembre 1944 et 14 février 1945) afin d'avoir accès au dossier d'enquête. Sa réponse parue dans l'Echo Républicain du 25 février 1945 dénonce effectivement l'instrumentalisation politique de cette affaire.
Page 80 : pourquoi reprendre une mini-biographie avec des erreurs ? Binois n'a jamais habité Dreux et a fait partie de la Résistance dès 1942, mais n'a pas voulu laisser femme et enfants pour partir en Angleterre (écrits de Madeleine Binois et courrier d'amis).
Page 88 : les phrases concernant "Son parcours dans la résistance…" et "Ses idées philosophico-religieuses lui interdisent probablement…". Ces déductions ne sont fondées sur aucune source sérieuse, sans témoignages recoupés. Des conclusions hâtives sont tirées d'habitudes de prudence gardées par Binois, alors que l'auteur du livre ne connaît presque rien de sa vie de combattant ni de résistant.
Page 89 : un détail qui a son importance, Binois n'était pas en uniforme car son épouse devait le préparer pour le dimanche matin vers 11 heures (écrits de Madeleine Binois).
Enfin, page 103, pourquoi cet "Épilogue" sur la participation des FFI à la libération de Paris ? Ces quelques pages n'apportent aucune précision sur l'affaire, de même que "L'annexe" concernant la destruction du viaduc de Chérisy. Aucun rapport avec le sujet du livre...
On se demande aussi pourquoi les rapports de gendarmerie (copie incomplète) et du commissaire de police sont manuscrits, alors que les originaux tapés à la machine se trouvent dans le dossier "NON LIEU" aux Archives départementales de Chartres ?
S'emparer d'une histoire pour en faire un livre, pourquoi pas ! Mais alors pourquoi le faire aussi approximativement à partir d'archives incomplètes, si ce ne sont les archives de Pierre July et sans référence à la famille Binois ?
M. Hude aurait-il eu l'idée de s'intéresser à une "affaire" complètement oubliée si les héritiers du capitaine Binois n'avaient pas un jour sollicité son aide ? Peut-être, mais on peut en douter.
Francine Binois-Fleury