Cela fait à peine un mois que les alliés anglo-américains ont débarqué en Normandie. L’effervescence patriotique augmente dans la perspective de l'inéluctable libération. Il y a quatre-vingts ans, jour pour jour, le 4 juillet 1944, après 19 heures, trois adolescents domiciliés à Mainvilliers, âgés de seize à dix-huit ans, se retrouvent à Morancez, hameau du Gourdez.
Inspirés par l’assassinat du ministre collaborationniste Philippe Henriot le 28 juin à Paris, Robert Bienfait, André Juillot et Jean Voisine veulent exécuter un autre « collabo », Henri Suberfontan. Mais l’opération commando est un fiasco. La cible se rebelle, les trois justiciers non aguerris prennent la fuite. Bienfait et Juillot sont rapidement arrêtés. Seul Voisine parvient à s’échapper grâce à sa bicyclette.
Dans la nuit du 4 au 5 juillet, la répression allemande s’abat en plusieurs vagues. Elle va durer jusqu’au 11 juillet. Au total, dix-neuf jeunes (de Chartres, Mainvilliers, Lucé et Jouy) se retrouvent entre les mains des nervis de la SIPO-SD locale, la police de sécurité allemande. Qui les martyrisent afin qu'ils livrent les noms de leurs complices.
Finalement, sept gamins sont relâchés. Mais les douze autres sont déportés en Allemagne dans l'enfer concentrationnaire nazi : Robert Bienfait, Roland Buthier, Serge Buthier, Ernest Delépine, Guy Deseyne, Roger Detournay, Michel Glubersac, Jean Jugan, André Juillot, Alfred Pirotte, Henri Ramolet et Roger Robbé. Le plus âgé a vingt et un ans.
Juillot, Delépine, Jugan, Bienfait et Roland Buthier meurent en captivité. Et Robbé s’éteint quelques jours après son retour à Chartres, en juin 1945.
Les six survivants traumatisés déclarent unanimement qu’ils ont été dénoncés par leur camarade Jean Voisine. De fait, le Mainvillois de dix-huit ans a échappé aux rafles de juillet 1944. Il est introuvable, on le dit en fuite. Alors, tout le monde l’accable, ou presque. En octobre 1947, dans le maelström de la justice d’épuration, Voisine est condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale à vie.
Pour autant, la culpabilité officielle du disparu repose-t-elle sur des éléments incontestables ? Qu’est devenu Jean Voisine ? Pendant une dizaine d’années, j’ai enquêté, analysé l’intégralité des pièces du dossier judiciaire. Mes conclusions ébranlent les certitudes qui prévalaient à l’époque de la Libération : Voisine n’est pas le traître. J’en apporterai bientôt la preuve.
Gérard Leray