La vraie vie… tout un roman, pourrait-on écrire. Qu’est-ce que la vraie vie ? Certains philosophes, comme Émeric, derrière son écran et qui a tout compris, estime que la vraie vie est un ailleurs, loin de ce monde agité et dans le paraître. Il n’a pas tort. Pour Adeline Dieudonné, l’auteure de l’excellent roman La vraie vie, c’est effacer avant tout le brouillon dans lequel se débat son héroïne. Cette enfant de dix ans n’a de cesse de courir après le temps pour revenir en arrière afin de retrouver la vie d’avant. La vraie vie, sa vraie vie ! Il faut dire que tout n’est pas rose dans l’existence de cette fillette vivant dans un lotissement avec son frère et ses parents.

Dans cet univers, il y a les trophées du père chasseur de gros gibiers. La mère, de son côté, essaie de se faire la plus petite possible pour éviter les humeurs de son mari. Dans cette vie entre gris clair et gris foncé, il y a peu de distractions. La décharge de voitures, à proximité des habitations, est un terrain de jeux où l’on peut s’inventer toutes sortes d’histoires. Les jours passent jusqu’à l’accident qui va arrêter le temps. Un accident qui va durablement traumatiser Gilles. Le petit frère entre dans un mutisme sans retour. Pour la sœur à la recherche des moments heureux, il est impératif de remonter le temps afin de retrouver le bon aiguillage et le rire de Gilles. Il faut absolument gommer cet accident qui a fait vaciller sa vie, mais aussi celle de toute sa famille.

C’est le début d’une descente aux enfers charriant au fil des pages son lot de violence et d’horreurs. Car le père se révèle un bourreau pour toute la famille. Régnant en maître absolu en utilisant les coups de poing pour bien se faire comprendre ou pour passer ses nerfs, il centralise à lui seul ce qu’il y a de plus abject chez l‘Homme. Dans ce chapelet des horreurs, il ne manque pas de lancer sa fille comme proie à des chasseurs en pleine nuit dans la forêt. L’enfant qui devient adolescente grandit entre les coups, la terreur psychologique. Le soleil arrivera à entrer par la fenêtre grâce à sa passion pour la science et des personnes qu’elle croise sur son chemin.

Avec une fin menée au galop, Adeline Dieudonné va jusqu’au bout du drame. Un instant où tout se joue et où tout peut basculer dans un sans ou dans un autre. Mais fort heureusement, au loin brille la paix… la vraie vie ! Adeline Dieudonné signe avec ce premier roman un excellent thriller où l’intensité du récit et la plume nous font penser à Claire Castillon. Tout comme cette brillante romancière, elle sait nous émouvoir avec les cicatrices portées au fond de l’âme de chacun de ses personnages.

Pascal Hébert

La vraie vie, d’Adeline Dieudonné, L’Iconoclaste, 265 pages, 17 euros.