On ne présente plus Edgar Morin, ce philosophe-sociologue de la « complexité » dont on vient de fêter le centenaire. Dans cet essai publié en 2011, ce « jeune homme » sans complexe, se permet de refaire le monde, c’est à dire, à partir d’une analyse très documentée et lucide des dysfonctionnements de la société, de proposer des réformes dans tous les domaines : politique, éducation, médecine, urbanisme, économie, justice, écologie et philosophie…

L’une des causes importantes des dérèglements auxquels notre monde est exposé réside dans la spécialisation, la compartimentation des disciplines, qui empêche d’avoir une vision globale des problèmes, car tout est interdépendant. Il pointe également la marchandisation généralisée de tous nos besoins, s’emparant même des biens communs et entravant la qualité des relations, la convivialité. De même, il critique la multiplication des automates, qui suppriment les emplois, déshumanisent les contacts et sont souvent au final contreproductifs. Edgar Morin porte un regard critique sur le concept de « développement » qui pose le mode de vie occidental en modèle absolu, sans prendre en compte les savoirs et traditions locales.

Selon lui, nous sommes victimes d’une intoxication à la pensée quantitative, aux statistiques, à la rentabilité. Il déplore aussi l’intoxication automobile et propose « une cure piétonne, vélocipédique et de transports en commun » Rien ne lui échappe en matière de société et il fait une critique sévère du patriarcat, estimant que : « la civilisation a besoin d’une puissante injection de féminin. » Dans le domaine de la justice, il relève qu’en France, elle est dure avec la banlieue et douce avec la délinquance en col blanc. Il souhaiterait une véritable égalité de traitement.

Edgar Morin observe qu’une seconde révolution scientifique a eu lieu dans la deuxième partie du XXème siècle : « l’écologie scientifique » qui relie toutes les connaissances, physiques, biologiques et sociologiques… Pour écrire cet essai, l’auteur s’est entouré de personnalités, et de quantité d’ouvrages qu’il n’oublie jamais de citer. Son expérience personnelle est importante, ses propositions sont ancrées dans le réel et sa lecture très accessible. Tous les décideurs, hommes de pouvoir, politiques, économiques et industriels devraient s’en inspirer pour nous orienter vers une transition écologique urgente et nécessaire. Il ne s’agit pas, nous dit-il, avec ce catalogue de réformes, d’imaginer « le meilleur des mondes mais plus simplement un monde meilleur. »

Si toutes ces propositions peuvent paraître à certains comme utopiques, on peut rêver et penser comme l’auteur que le pire n’est jamais certain…

Edgar Morin, La Voie, pour l’avenir de l’humanité, éditions Fayard, 2011.

Denys Calu