Que dire de la vérité, de ce que l’on voit ou croit voir ? Le dernier roman de Marie NDiaye nous entraîne dans ce clair obscur. Cette partie de nous-même qui n’appartient qu’à notre intimité où tout est simple et compliqué. Me Susane est une avocate de 42 ans. Une femme somme toute ordinaire dans un monde bien ordinaire à Bordeaux. Sa vie de célibataire n’est pas extraordinaire. Professionnellement, les affaires qu’elle traite ne sont pas d’un intérêt majeur. Me Susane vit. Un client prend rendez-vous avec elle pour défendre sa femme qui a tué leurs trois enfants. Elle, qui ne fait pas partie des ténors du barreau, ne comprend pas pourquoi ce Gilles Principaux vient solliciter ses services pour défendre ce que l’on peut penser être l’indéfendable.
Assez peu affecté par la mort de ses enfants, Gilles Principaux est davantage préoccupé par le sort de sa femme Marlyne, la victime en fait d’un système mis en place par son mari. En découvrant ce client pas comme les autres, Me Susane a le sentiment d’avoir déjà rencontré cet homme. A l’époque où sa mère exécutait des tâches ménagères, elle l’avait accompagnée, enfant, dans un quartier qu’elle recherche désespérément. Elle y avait rencontré le fils de la maison qui a bouleversé sa vie. En voyant Gilles Principaux, Me Susane s’interroge sur ce moment et sur cet homme. Qui est-il réellement et est-ce vraiment la même personne ?
Dans la vie de Me Susane, il y a quelques personnages marquants comme ses parents, la petite Lila. La aussi, qui est Lila pour elle ? Une mère ? Une mère de substitution ? Et puis il y a Sharon, celle femme sans papier qui travaille chez plusieurs personnes pour subvenir aux besoins de sa famille. Me Susane essaie de régulariser la situation de Sharon. Elle a décidé de l’embaucher elle aussi pour apporter son aide à cette femme exceptionnelle. Les rapports entre Sharon et Me Susane évolue au fil de la lecture. On se rend compte que de la bienveillance, on passe à la suspicion lorsque Me Susane découvre que Sharon travaille chez d’autres personnes pendant les heures où elle devrait être chez elle.
Dans ce jeu d’ombre, Marie NDiaye, lauréate du Prix Femina avec Rosie Carpe (Minuit) en 2001 et du Goncourt en 2009 avec Trois femmes puissantes (Gallimard), nous montre avec finesse, les contours de l’âme humaine en proie au doute.
Pascal Hébert
La vengeance m’appartient, de Marie NDiaye, éditions Gallimard, 232 pages, 19,50 euros.