J’avais presque treize ans, je vivais à Tachkent, capitale de la république d’Ouzbékistan, chez ma grand-mère. Ça ressemblait à de la science-fiction quand j’ai découvert les images à la télévision le lendemain ou le surlendemain, donc le 12 ou le 13 septembre. J’ai pensé que c’était un film, une mauvaise plaisanterie.
Je rentrais de l’école, j’étais en quatrième ou cinquième classe du système éducatif ex-soviétique. Je revois les images des avions qui se crashent contre les tours, images qui tournent en boucle. Je crois que, sur le moment, dans mon entourage, personne n’y a cru.
Ça paraissait tellement loin. Dans le journalisme, la règle de proximité est fondamentale. Il y avait eu des attentats en Ouzbékistan quelques jours auparavant, qui nous ont beaucoup plus marqués que ceux commis aux États-Unis le 11 septembre.
En Ouzbékistan, personne ne s’est réjouit. Les adultes manifestaient de l’incompréhension et de la peur. Peur de voir la poussée de l’islamisme dans une région qui se situe au carrefour des civilisations, à proximité de l’Afghanistan, qui partage une frontière commune avec mon pays de naissance, et du Pakistan.
Les images qui ont été diffusées ressemblaient à une production hollywoodienne, ça ne pouvait pas arriver, ça ne pouvait pas être vrai. Les adultes m’ont expliqué que c’était vrai et que c’était une catastrophe.

*

Physiquement, lorsque j’ai découvert l’info, j’étais dans la chambre nord, à l’étage de notre ancienne maison de Bonville. J’avais aménagé cette pièce en bureau et j’y avais notamment installé un petit téléviseur.
Le 11 septembre 2001, quelques jours après la rentrée scolaire, je travaillais donc au bureau, probablement à préparer, organiser les cours de SES que je dispense au Lycée Agricole.
A un moment, j’ai dû allumer mon téléviseur. J’ai l’impression que c’était le matin.
J’ai en mémoire les images du crash de la première tour puis celui de la seconde.
« Il n’y a pas de mémoire sans émotion » dit l’adage. Au niveau émotionnel, j’ai gardé en mémoire la stupéfaction ; le fait d’être interloqué, comme abasourdi mais en tension et concentré, avide d’analyse et de compréhension.
Je me souviens bien également de ce que j’ai éprouvé à la réaction du Président Bush fils… loi du talion : tu m’as agressé, je vais te frapper. Ma mémoire émotionnelle est aussi intense que celle face aux tours agressées : grande colère, immense déception…
Sans être trop «Rousseau-iste », pour moi, si des être humains étaient capables de ça, il était temps de les entendre et de lancer une table ronde… (dans un premier temps et dans une visée mondiale et humaniste sans préjuger de la suite).
Pour moi, le XXI ième siècle commençait à la « préhistoire » de l’humanisme…

FIN

La mémoire du « 9-11 » (1)
La mémoire du « 9-11 » (2)
La mémoire du « 9-11 » (3)
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« 9-11 »
Il y a 19 ans…