J’étais à Frazé pour quelques jours en vue de préparer les festivités de mon soixantième anniversaire. J’étais détendu et bien loin des soucis du quotidien. Je me trouvais sur le toit d’une longère, jouxtant mon habitation principale, j’y remplaçais des tuiles, quand j’ai vu mon épouse sortir de la maison. Elle faisait de grands gestes, en me criant de venir la rejoindre au plus vite. Je me suis empressé de descendre de mon perchoir. Je me suis retrouvé devant la télé. Je n’oublierai jamais les images de l’avion, puis du second, percutant les tours, j’étais atterré.
Ma première réflexion a été : « Ils ont osé ! » Jusqu’où vont-ils aller ? Frapper l’Amérique sur son sol par un attentat d’une telle ampleur, c’était une déclaration de guerre par un ennemi connu, mais invisible, insaisissable et difficile à localiser (à l’époque). J’ai tout de suite pensé que ce n’était que le début d’une escalade et que nous aurions beaucoup de mal à vaincre ce fléau.
Quelques jours plus tard, ma fille, qui travaillait dans le quartier de la Défense chez Ernst et Young, un cabinet international d’avocats, m’a raconté que ce fameux 11 septembre, elle était en conversation téléphonique avec une collègue de l’antenne new-yorkaise de son groupe située à Times Square, à environ deux kilomètres du World Trade Center. Sa collègue hurlait au téléphone : « C’est la guerre, on va tous mourir ! »

*

J’ai à la fois un souvenir très net et très confus du 11 septembre 2001. On est à quelques jours de la rentrée scolaire, pour moi, le plus dur est fait : je goûte peu les premiers jours, le stress est important parce qu’on sait que de nos premiers contacts avec nos classes va dépendre le reste de l’année…
Le 11 donc, pas de copies encore et premiers contacts pris et bien passés, en fin d’après-midi, les cours terminés, je me retrouve avec un collègue et ami dans un café. Il me dit qu’« il paraît qu’aux États-Unis, des avions ont percuté deux gratte-ciels… ». Cela semblera incroyable aux jeunes générations mais on est en 2001, pas de smartphone, pas de notifications ou d’alertes, pas de chaînes d’info continue… On a fait notre journée de travail sans savoir ce qui venait de se passer ! Je ne comprends pas bien de quoi il s’agit, et on discute d’autre chose…
En rentrant chez moi, cette fois, la télévision allumée, je comprends : attentat spectaculaire, images en boucle, des avions s’encastrant dans les tours du World Trade Center, de la panique des habitants qui fuient dans les rues voisines, des cris… Mes souvenirs des commentaires sont très confus, l’impression générale que j’en garde, c’est celle de l’inédit et une question : qui a fait ça ?
Ma réaction est à la fois de la compassion pour les New-yorkais et un sentiment beaucoup moins avouable, voire honteux aujourd’hui, surtout si on oublie le contexte : les Américains se sont montrés trop arrogants, en quelque sorte. Ils ont légitimé un système mondial très inégalitaire, injuste, sans jamais se remettre en cause…
Le lendemain, à 8 heures, mes terminales me demandent : « Est-ce que c’est historique ? » « Oui, et cela le sera d’autant plus selon la réaction des Américains, vont-ils changer de politique étrangère ? Se montrer plus à l’écoute ? plus réformateurs ? … » On connaît la suite, dès l’automne, la guerre en Afghanistan pour y déloger Ben Laden, deux ans plus tard, la guerre contre l’Irak… On avait changé de décennie et on entrait dans une période nouvelle.

La mémoire du « 9-11 » (1)
La mémoire du « 9-11 » (2)
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« 9-11 »
Il y a 19 ans…