A cette époque-là, je travaillais à Issy-les-Moulineaux comme graphiste au sein d’un petit studio multimédia, spécialisé dans le « e-learning », dans une entreprise leader international de la formation professionnelle et continue. Dans ce studio, je faisais équipe avec des développeurs.
Ce jour-là, si je me rappelle bien, nous étions en début d’après-midi. Nous étions installés, chacun à son bureau, devant un ordinateur. Je ne sais plus ce que je faisais exactement : consultation de mails ou création d’un univers graphique pour une interface de CD-Rom « e-learning ». Un de mes collègues avait l’habitude de faire un peu « de veille » avant de se replonger dans ses lignes de codes.
A un moment donné, il nous a interpellé en s’exclamant : « Ce n’est pas possible, les Twin Towers à New York se font attaquer en direct ! Ce n’est pas possible ! C’est dingue ! »
Je me revois encore quitter mon siège et me déplacer jusqu’à son écran où je vis, en effet, le spectacle effroyable de ces deux avions percutant successivement les deux buildings. Je n’en croyais pas mes yeux.
Mon collègue s’est mis à nous lire les informations. Bientôt, le reste de l’équipe – les consultants – est arrivé dans notre bureau. Sidérés, nous nous sommes arrêter de travailler pour partager l’événement.
Je me rappelle que j’étais très inquiète à l’idée que cet attentat se transpose à Paris, dans le quartier de la Défense, quartier d’affaires, aux tours, certes, plus petites en hauteur mais configurées comme à Manhattan. De plus, la Défense était assez proche de notre site. Paris pourrait-il connaître le même sort ?
J’ai été très choquée par les images en continu dans les journaux télévisés du soir. Et pendant plusieurs jours et semaines, après avoir vu et revu quantité d’images et de reportages – la chute d’une personne dans le vide ou le souffle de l’énorme vague de poussière au moment de l’effondrement des tours -, j’ai pensé à tous les innocents qui avaient succombé dans cette tragédie contemporaine. Panique, apocalypse comme dans un « blockbuster américain, sauf que cette fois la réalité avait dépassé la fiction. C’était effroyable !
Même si la catastrophe s’était déroulée loin de nous, j’avais vraiment le sentiment qu’elle était proche de nous, en bas de notre immeuble. Je me sentais vulnérable.

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Au moment des attentats de New York, j’étais en plein partiel de rattrapage à composer et disserter de 14 à 18 heures pour la session de septembre 2001. J’ai appris la nouvelle à la fin de l’épreuve lors de mon retour en voiture en écoutant la radio.
Ironie du sort, il se trouve que cet examen était un partiel de « Civilisation américaine ». Une dissertation sur l’une des œuvres d’Alexis de Tocqueville De la démocratie en Amérique. Il n’y avait qu’un seul écrit d’études américaines pour cette session, donc environ une chance sur cinquante qu’il tombe l’après-midi du 11 septembre 2001. Double sidération, par l’événement en lui-même, mais aussi par le curieux hasard, car après quatre heures de dissertation sur le concept de démocratie aux États-Unis, une partie de mon argumentation se trouvait remise en question… Mon année a quand même été validée.

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Entre 14 et 15 heures, je me dirigeais chez Nicole, un petit bar de quartier où j’avais mes habitudes pour le café du matin ou celui de la coupure de l’après-midi. Je me souviens bien de cette journée, lendemain de mes 44 ans, partagé entre la satisfaction d’avoir passé la veille une bonne soirée, coupable de m’être levé un peu tard, et donc forcément tracassé par une journée bien chargée.
Je retrouvais mes collègues de travail pour un rapide café. Ils étaient scotchés à l’écran du téléviseur avec deux ou trois autres habitués, tandis que Nicole faisait des commentaires qui me semblaient complètement incohérents. Qu’est-ce qui pouvait bien attirer leur attention au point de déroger aux sourires ou aux blagues habituelles ? La bande-annonce d’une super production ? C’est ce qui m’est venu à l’esprit avant que les premières explications du comptoir fusent : nous assistions à un accident improbable, impossible et inimaginable, un avion venait de percuter l’une des Twin Towers à New-York. Voilà ce qui tournait sur les chaînes et radios qui avaient suspendu leur programme et commentaient en creux, faute d’informations, les événements en direct. Passaient en boucle les images de cet avion percutant la tour en explosant.
Ces images étaient dingues. Commentaires du comptoir : comment a-t-il fait ? Le pilote devait être franchement nul ou bien il a eu un problème… On a disserté sur l’impact du crash, comme si nous en avions les compétences.
Les minutes passaient, les premières informations tombaient, les premiers chiffres aussi… Il y avait forcément des morts, beaucoup de morts… C’était le début de l’horreur en direct.
Je ne sais plus exactement vers quelle heure nous avons quitté notre QG. Nous avons fait et refait le film en nous interrogeant sur le pourquoi du comment. De retour au bureau dans la soirée, radio à fond, notre ardeur au travail a été complètement neutralisée. Toute notre attention était maintenant à l’heure américaine, comme certainement une grande partie de la planète. Nous venions d’assister à la destruction des Twin Towers, tours principales du complexe d’immeubles d’affaires du World Trade Center.
Le déroulé des informations a très vite écarté la thèse de l’accident. Deux tours anéanties à cause de deux avions, un autre sur le Pentagone et un quatrième s’écrasant au sol en Pennsylvanie. C’est dans la nuit, heure française, que le président américain W. Bush a parlé d’actes meurtriers destinés à effrayer l’Amérique.

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Mardi 11 septembre 2001, belle journée automnale, je rends visite comme de coutume à mes parents. À 18 heures, je décide de rentrer, en montant dans la voiture, j’entends un tumulte à la radio, je comprends qu’il se passe quelque chose de grave, je retourne voir mes parents leur demandant d’allumer leur téléviseur. À ce moment, dans la rue, un quidam me lance : « On bombarde New-York ! »

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« 9-11 »
Il y a 19 ans…