Voici peu, nous constations que le maire-président ne votait plus, et laissait voter sa famille politique – qui, jusqu’à présent, ne s’est pas fait prier. Eh bien, il se peut que les citoyens intéressés à la chose publique ne le voient plus ne pas voter : plus un seul Conseil municipal ou communautaire n’est visible sur les sites de la Ville et de Chartres Métropole. Bien sûr, il se peut que ce soit une interruption provisoire, un simple grain de sable – le numérique, allez savoir. Dans ce cas, on aura cherché des causes pour rien à cette disparition impromptue et inexpliquée, dans ce domaine si sensible de la communication maniaque, hypersoignée autant que grossière, méprisante, boursouflée d’autosatisfaction, qui se pratique aux frais du contribuable. Cherchons, donc.

Naissance

Au dernier Conseil communautaire, une filiale de la SPL C’MIN (Chartres Métropole Innovation Numérique) a été créée ; c’est la première fois qu’une filiale à une SPL est instituée à Chartres. 100 000 euros d’argent public pour la capitalisation. Pas d’explication vraiment éclairante au moment du vote sur les raisons de la création de cette filiale. Les lecteurs ont souvent lu que les SPL, Sociétés Publiques Locales, régies selon le droit privé, par lesquelles sont gérés au niveau communautaire aménagement, déchets, tourisme, eau, etc. manquent de transparence : pas moins cette fois-ci. On verra si la non disponibilité actuelle des enregistrements des conseils, qui ne peut être que temporaire puisque ceux-ci sont inscrits au Règlement intérieur desdits conseils, est liée à cette transformation statutaire.

Un peu d’histoire

A l’arrivée de M. Gorges à la Mairie, cela n’a pas traîné : le CM est devenu spectacle, retransmis en vidéo par internet ; on était des pionniers. Vingt ans, donc, de péroraisons, d’invectives, de monologues, de lourdes mises en scène chargeant l’opposition, enfin ce que nous connaissons, encore et toujours. Jusqu’à présent, on se demandait juste à qui les retransmissions pouvaient bien profiter : l’ennui de ces séances, qui n’ont jamais pu devenir des débats civils, au service de l’intérêt général, était dissuasif. Du moins, il était possible de connaître les décisions et de prendre la mesure du vide politique, pour ne pas dire de l’ignorance sur des sujets prioritaires tels que les conséquences du libéralisme effréné, choisi comme axe de gouvernance, et les enjeux liés : la défaite du climat et de la biodiversité. Sur son écran, il fallait vouloir accompagner, autant que faire se peut, les élus de l’opposition, pour ne pas décrocher, par exemple à 22h45, à la fin de la deuxième délibération, quand le maître des micros annonçait qu’on avait toute la nuit, non sans une nuance de satisfaction face à tous ces lève-tôt dont le mandat se surajoute au travail…

Un revers

Il se trouve qu’au conseil du mois de mars dernier, la fin de la nuit (enfin, du conseil) s’est illuminée d’un phosphorique outing climato-sceptique, sans que personne n’ait rien demandé. La fatigue du parleur, la désertion de quelque adjoint parti sur la pointe des pieds en laissant son pouvoir, l’envie de river leur clou à ces conseillers tenaces et impossibles à endormir, comment savoir : le maire a livré ses vérités sur le climat. C’est long, répétitif et décousu : il a été facile de donner en une brève séquence une idée de la substance de cette « pensée » autant que du ton sur lequel elle est proférée. Ainsi, la gloriole municipale aurait reçu un miroir, envoyé par des usagers de la vidéo et esprits cultivés, au fait des dernières alertes alarmantes du GIEC, notamment, qui ont simplement mis en confrontation le verdict lié aux chiffres qui ne sont nulle part contestés et les contrevérités qui arrangent une petite mégalomanie. Trois mille vues – la célébrité, enfin. (https://cactus.press/2021/04/23/le-maire-de-chartres-devoile-son-climatoscepticisme/)

La tentation de punir ?

Les élus qui remplissent leur mission au Conseil, tout en étant traités comme des ennemis, et les citoyens observateurs qui passent les délibérations au peigne fin, tous deviennent encombrants, avec leurs analyses, les plaintes, et on ne va pas les laisser tranquilles. Ces retransmissions, il était sûrement possible d’en éviter la suppression. Très révélateur : les choses se passent comme si l’exécutif se sentait propriétaire des archives municipales et communautaires. Or, cette source d’information ne peut en aucun cas tomber sous le coup de la sanction sous prétexte que son usage excède les limites que ses promoteurs en avaient prévu.

Encore une hypothèse : au Conseil communautaire de janvier 2021, le président de Chartres Métropole a effectué une rentrée tapageuse aux côtés du président socialiste de Région Centre-Val-de-Loire, M. Bonneau. Le Pôle Gare, largement subventionné par le Conseil régional, au grand dam des élus écologistes, est le résultat de coups de main politiques dans les deux sens, entre droite et ce qui s’appelle la gauche . Mais, à l’heure des nouvelles élections régionales, l’élu chartrain soutient le candidat de droite, et cela fait tache, toutes ces palinodies. Encore une manie soviétique, comme la propagande : on efface les traces. Peut-être jusqu’à la fin des élections.

Chantal Vinet