15 mars 1998 : les élections pour le renouvellement du conseil régional de la région Centre donnent la victoire relative à la gauche plurielle (socialistes, communistes, radicaux et écologistes). Avec 33 sièges, celle-ci devance l’union RPR-UDF (29 sièges), le FN (13), Chasse Pêche Nature et Traditions (1) et LO (1). Reste à élire le président de la région.

Le soir même, le « présidentiable » de la droite, Renaud Donnedieu de Vabres (UDF), déclare : « J’avais dit que celui qui serait en tête dimanche soir aurait vocation à diriger la région. Le socialiste Michel Sapin est en tête, c’est donc lui qui a vocation à diriger cette région. » Une prise de position qui ne fait pas l’unanimité dans son camp. Ainsi, la Chartraine Colette Chauvigné-Bourlaud (UDF) : « Oui, il faut tout faire pour battre la gauche. Je n’ai pas de position vis-à-vis du FN, moi, je suis disciplinée… ». Le Chartrain Daniel Guéret (RPR) renchérit : « N’oublions pas que les électeurs du Front National sont d’anciens électeurs de la droite républicaine… » L’ancien président de région Maurice Dousset (UDF) note qu’« un piège infernal » est en train de se mettre en place avec les appels du pied du FN. « Il est possible que certains fassent passer leur intérêt avant l’intérêt général ». Et de conclure : « A la tête du conseil régional, j’ai toujours recherché des majorités tacites avec les socialistes ou les écolos pour éviter la pression du FN. »

Vendredi 20 mars, se déroule l’élection du président. La règle impose la majorité absolue pour les deux premiers tours. Au premier tour, Sapin obtient 33 voix, Bernard Harang (UDF/DL) 25 et Marie-France Stirbois (FN) 13. Au second, Harang perd une voix mais le suspense reste entier. Place au troisième tour décisif. Suspension de séance interminable. A la reprise, MFS annonce qu’elle n’est plus candidate. Vote puis dépouillement. Harang obtient 36 voix contre 33 à Sapin et 7 abstentions. C’est fait, une vingtaine de conseillers régionaux UDF/RPR se sont déshonorés pour une parcelle de pouvoir. Commentaire de Daniel Guéret : « Je reste moi-même et je pense être en symbiose avec nos électeurs. »

L’émotion est considérable. D’autant plus que la région Centre n’est pas un cas isolé. En Picardie, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et Bourgogne, la droite a également pactisé avec l’extrême droite. Dans la semaine suivante, les manifestations se multiplient. Le président Chirac monte au créneau pour dénoncer l’inacceptable. Le Dunois Alain Venot (RPR) avoue, le 25 mars : « J’ai commis une bêtise, je le reconnais sans détour. Maintenant, il convient de faire marche arrière de toute urgence ».

Le lendemain, en plein conseil municipal chartrain, l’avocat François Marceul annonce qu’il quitte le groupe d’opposition UDF/RPR pour protester contre l’attitude de Colette Chauvigné-Bourlaud. Michel Teilleux, de son côté , déclare : « Je ne serai plus avec ces personnes ». Seul Daniel Guéret qualifie encore Harang « d’homme courageux ». « C’est dans les moments de tempête que l’on voit les hommes qui tiennent ». Il semble même ne rien regretter : « Il ne faudrait pas que dans quelques semaines les électeurs de droite puissent avoir des regrets. (…) A force de laisser faire les choses, on se fait battre par la gauche ».

Sous la pression médiatique et des appareils politiques nationaux, Harang démissionne le 27 mars. Le 6 avril, la droite, déchirée, rentre dans le rang en renonçant à présenter un candidat. Michel Sapin peut enfin devenir président de la région grâce aux voix de la gauche plurielle.

Gérard Leray