Avec son premier roman Il pleut sur la parade, Lucie-Anne Belgy entre par la grande porte dans le monde de la littérature. En choisissant un thème loin d’être simple, Lucie-Anne Belgy a hissé haut les couleurs d’une ambition affichée et réussie.
Quoi de plus difficile que de mettre en scène, par les temps qui courent, un couple juif et catholique, parents, qui plus est, d’un enfant devenu violent. En multipliant les handicaps, Jonas et Lucie ne se sont pas simplifiés la vie. Mais qu’est-ce qui est plus grand que l’amour ? La religion vous diront certains. Bien dans leur vie, ces deux là ne la mettent pas au premier plan. Malgré tout, les amoureux ne sont sont pas seuls au monde.
Il faut compter avec "l’arrière boutique", c’est-à-dire la famille qui ne manque pas de mettre son grain de sel dans les choix d’un couple désireux de vivre libre. Du côté de Jonas, la religion s’impose malgré tout avec ses parents pratiquants. Bien évidemment, lorsque Ariel naît, la question du choix de la religion arrive à pas feutrés. Répondant à l’injonction parentale (ou pour avoir la paix), Jonas impose à Lucie la circoncision en bonne et due forme de leur fils. Pour Lucie, la catholique non pratiquante, il s’agit de s’adapter à la pression constante du père de Jonas. Doit-elle s’incliner obligatoirement devant une décision unilatérale ? Afin de maintenir le bon équilibre de leur amour, elle cède.
Si la vie n’est qu’une succession d’épreuves et de compromis, Lucie et Jonas n’en manquent pas avec leur fils devenu violent à l’âge de deux ans. Brutal avec les autres enfants, Ariel plonge ses parents dans l’incompréhension totale. A l’école, c’est une véritable terreur. Lucie et Jonas sont régulièrement convoqués par les enseignants pour leur signaler les "exploits" d’Ariel. Désireux de comprendre le comportement de leur fils, ils se remettent en question et s’interrogent. Ils deviennent la famille à éviter, celle que l’on regarde de travers, que l’on montre du doigt.
Ariel ne supporte pas la frustration et profite de sa force physique pour battre ses camarades de classe attirant ainsi la peur et la solitude. Lucie pense au lourd passé de la famille de Jonas transmis de génération en génération inconsciemment ou pas. Finalement lorsqu’Ariel s’en prend également à eux, ils décident de recourir à une pédopsychiatre. Lucie et Jonas finissent par ouvrir les yeux sur leur comportement avec Ariel, leurs petites et grandes lâchetés.
Alors que "notre monde s’enfonce dans une nouvelle crise profonde, existentielle, sans doute la plus redoutable de toutes", comme le dit l’historien Gérard Leray, Lucie-Anne Belgy apporte de la bienveillance et de l’espoir à ceux qui ne croient plus en l’homme.
Pascal Hébert
Lucie-Anne Berlgy, Il pleut sur la parade, éditions Gallimard, 250 pages. 20,50 euros.
Photo Francesca Mantovani