Beau travail ! Le président a dégoupillé sa grenade, c’est sa formule, et tout ce que la France comptait de gens de gauche écologiste ont oeuvré aussitôt à réparer les dommages. Dans la première circonscription de Chartres, par chance, ils avaient un candidat, Jean-François Bridet, vice-président à la Région Centre-Val de Loire, chargé du Vivant, et conseiller municipal opposant écologiste au maire de Chartres. Nous le voyions déjà député, non sans raison

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Las ! Si, à Chartres, il est arrivé au coude-à-coude avec son adversaire Guillaume Kasbarian, secrétaire d’État au logement dans le dernier gouvernement, celui de Gabriel Attal, désigné « petit frère » d’Emmanuel Macron par le président soi-même, les villes périphériques et la campagne beauceronne devant sa télé et protégée par la vidéo surveillance de la « métropole » gorgienne, ont placé le RN, pourtant sans aucune incarnation visible, en gagnant.

Le Nouveau Front Populaire, en la personne de son candidat chartrain, a résolu, dès les résultats, de se retirer, afin que « pas une voix ne revienne au RN ». Les dernières affiches officielles qui restaient seront dévolues à ce message, que doublera un immense Merci aux électeurs, en particulier ceux qui nous ont ouvert leur porte les soirs de fin juin pour que nous puissions plaider la cause de la gauche écologiste à l’élection du 30 juin, au sujet de laquelle beaucoup n’y voyaient pas clair ! Les élections sous Macron, cela est devenu très vite un jeu opaque dans lequel chaque candidat (sauf les opposants de gauche, bien sûr) camouflait son appartenance, un comble !

Alors, M. Kasbarian…

Vous devenez le grand bénéficiaire de ce sacrifice de Jean-François Bridet, de l’équipe qui a contribué à sa campagne et des électeurs qui le soutiennent. Tous, ils vont devoir se pincer le nez, ou mettre des gants (intérieurement) pour plier dans l’enveloppe bleue un bulletin marqué de votre nom. Sachez que ce n’est pas là un blanc-seing : nous n’avalisons ni vos votes ces dernières années en faveur d’une agriculture chimique à l’Assemblée,  ni votre propagande anti-squatt, ni la privatisation du parc social de logement, qui a abouti à une loi, ni a fortiori les coups de main que vous donnez désormais, de façon opportuniste pour vous deux, au maire bétonneur de Chartres.

Vous ne servirez qu’à empêcher qu’un fantôme au faciès rajeuni de Mme Le Pen vienne siéger à l’Assemblée pour une circonscription qu’elle ne peut connaître. Vous ne servirez qu’à cela, même épaulé des Edouard Philippe et Gabriel Attal, venus avec vous battre le pavé à cent petits kilomètres de Paris. Rien n’aura plus d’importance que de voter pour vous, et vous serez député pour au moins un an encore, ou bien de nouveau secrétaire d’État aux propriétaires, rescapé de la bérézina macroniste grâce aux voix d’opposants résolus.

Ce que nous avons compris

Si, une fois assis à nouveau dans un siège de député ou de ministre, vous croyez pouvoir souffler, détrompez-vous. Votre clan a laissé prospérer, voire sciemment déployé, une politique et une rhétorique discriminatoires, selon la classe, selon l’origine, qui ont aboli les interdits indispensables à une société. Les petites frappes sont déjà à l’oeuvre, qui viennent déjà perturber les maraudes, menacer tous ceux qui aident leur prochain. Vous laissez aux militants le soin de protéger les plus vulnérables et d’affronter les violents impunis, quand ce n’est pas votre police qui surgit et fait la sourde oreille quand on lui parle de droits inaliénables...

Nous prendrons toute notre place ; nous sommes nombreux, informés, et équipés pour gagner aux causes nobles la population anesthésiée par des médias toxiques. Le cynisme absolu des dirigeants dont vous faites partie ne nous effraie pas ; nous avons le nombre et la conviction, les modèles aussi, et pas seulement ceux devant lesquels vous déposez des gerbes tout en trahissant effectivement leur message autant que leur legs.

Quelles jambes seront atteintes par la grenade du président - qui a ainsi montré que son prétendu idéal olympique n’est qu’une fable ? Les jours et les semaines à venir nous l’apprendront. Il peut sortir des gestes catastrophiques, insensés, un sursaut collectif ; on le constate déjà. Vous avez, quant à vous, le choix du mépris ou de la reconnaissance toute républicaine pour les votes qui se seront portés sur votre nom le 7 juillet 2024.

Chantal Vinet