Le dérèglement climatique et ses causes sont maintenant connues et reconnues, l'urgence de réduire notre impact est partagée par beaucoup. Pourtant, il semble très difficile de changer nos modes de vie et nos politiques ! C'est à ce dilemme que Corine Pelluchon essaie de s'attaquer en proposant une règle de vie qu'elle appelle "Éthique de la considération", faisant référence à Bernard de Clairvaux dont le dernier ouvrage s'intitule De la considération.

À l'écologie punitive, elle oppose un art de vivre basé sur la sobriété librement acceptée et débouchant sur une forme d'accomplissement personnel. Cette mise en pratique de la conscience écologique s'appuie sur le postulat de la connaissance que l'homme est en perpétuelle interaction avec les autres vivants et les différents milieux. Cela implique que nous devons adopter un mode vie écologiquement responsable, mais également épanouissant. Elle est convaincue que mener une « vie bonne » peut nous rendre heureux.

Corine Pelluchon est bien consciente de l'ampleur de la difficulté lorsque « l'argent est érigé en bien suprême » et que la reconnaissance est associée au niveau de richesse et à l'accumulation de biens matériels : l'incitation à la sobriété est alors inaudible. Une politique complètement soumise à l'économie est une réelle menace pour les citoyens, la démocratie et l'environnement. Par ailleurs, elle constate que la morale, le respect de la différence et le civisme diminuent sérieusement ainsi que le goût de l'effort. L'absence de perspectives et d'espoir ainsi que la misère provoquent le ressentiment, l'envie, la haine ce qui explique les incivilités, la violence et le fanatisme, le contraire de la convivialité.

La philosophe nous invite à prendre conscience de notre vulnérabilité : ce monde si complexe construit au fil des années pourrait bien s'effondrer rapidement.

Corine Pelluchon fait l'éloge de la littérature qui nous ouvre à d'autres cultures, d'autres modes de vie et nous permet d'entrevoir parfois l'esprit de résistance morale et politique. De même, le regard sur le monde porté par la considération nous rend particulièrement sensible à l'esthétique et à la beauté. Elle observe que la conscience que nous sommes mortels peut nous donner le désir de transmettre un monde habitable, que chaque nouveau-né porte en lui l'espérance d'un renouvellement du monde.

La lecture de cet essai est particulièrement intéressant, il nous renforce dans nos convictions en apportant des réflexions pertinentes et positives. À recommander sans réserves.

Denys Calu

Corine Pelluchon, Éthique de la considération, éditions du Seuil, 2018, 300 pages, 8 euros 80.

Corine Pelluchon est philosophe et professeure à l'université Gustave-Eiffel. Elle a écrit une dizaine d'ouvrages parmi lesquels Tu ne tueras point, Manifeste animaliste et Réparons le monde.